Le système D, de Nathan Larson

Publié le par Yan

systèmedDans une New York ravagée après une pandémie de grippe et des attaques terroristes, Dewey Decimal, ancien soldat, amnésique, hypocondriaque, paranoïaque, affligé de troubles obsessionnels compulsifs mais aussi bibliophile vivant dans la bibliothèque municipale est l’exécuteur des basses œuvres du procureur de la ville. Quand ce dernier lui demande d’éliminer un gangster ukrainien, Decimal part en chasse. Mais, comme de bien entendu, rien ne va se passer comme prévu et le héros ne va pas tarder à s’apercevoir que sa mission est autrement plus dangereuse et complexe que ce que lui en a dit son commanditaire.

Errant dans cette New York post-apocalyptique d’autant plus inquiétante que l’auteur ne cherche pas à trop en faire et instaure une ambiance pesante par le biais de descriptions et réflexions elliptiques, Dewey Decimal, personnage de science-fiction et de roman noir quelque part entre Robocop et John McClane est, plus que l’intrigue – minimale bien qu’alambiquée – ce qui fait l’intérêt du Système D. Personnage attachant bien que doué d’une conscience qui ne l’embarrasse finalement qu’assez peu hormis lorsqu’il se trouve obligé d’éliminer quelqu’un qui ressemble un peu trop à ce qu’il suppose être son ancien lui, soldat perdu à tel point qu’il a fini par se complaire dans ce nouveau lui qui lui permet de remodeler celui qu’il a pu être selon ses désirs ou l’expression de son subconscient, Dewey Decimal se révèle complexe et fascinant.

Et si la découverte, au tout début du roman, de ses TOC et de son fameux système obsessionnel dont la fausse logique le pousse à s’en remettre constamment au hasard peut faire craindre l’espace de quelques pages la caricature mal dégrossie, on a tôt fait de se laisser entraîner à sa suite et dans sa tête – le roman étant écrit à la première personne – pour découvrir avec lui et avec toujours ce voile fait de souvenirs elliptiques où semblent se mêler réalité et fantasmes, ce qu’il est et ce qu’il a pu être.

Entouré par ailleurs de toute une galerie de personnages aux identités et rôles tout aussi flous et fous, Decimal n’a pas la tâche facile et c’est avec une réelle jubilation que l’on suit ses pérégrinations et ses décisions insensées qui font basculer sans prévenir l’histoire du comique de second degré à l’horreur, de la violence crue à l’émotion. Ce sont aussi ces ruptures et contrastes qui  font le charme et l’intérêt de ce roman singulier.

Nathan Larson, Le système D (The Dewey Decimal System, 2011), Asphalte, 2014. Traduit par Patricia Barbe-Girault.

Du même auteur sur ce blog : Le Système nerveux ;

Publié dans Noir américain

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