Le Système nerveux, de Nathan Larson
Après Le Système D, Dewey Decimal est de retour et il n’est pas content. Le problème, c’est que d’autres personnes sont encore moins contentes que lui. À commencer par ce sénateur sur lequel le procureur avait monté un dossier compromettant que Decimal a récupéré en essayant de faire un peu la lumière sur son propre passé.
Dans cette New York post-apocalyptique ravagée par une pandémie et des attentats et devenue une vaste zone de non-droits dans laquelle police, sociétés de sécurité privées et gangs se tirent la bourre, le bibliothécaire affligé de troubles obsessionnels compulsifs et ancien des forces spéciales a fort à faire entre deux lavages de mains et quelques visites à la belle Rose Hee qui dirige Koreatown et pourrait bien aider Decimal à retrouver la mémoire de son passé. Au risque d’ailleurs de s’y trouver confronter à des souvenirs bien désagréables.
C’est avec un réel plaisir que l’on retrouve Dewey Decimal, son hypocondrie, ses TOC et, d’une manière générale, sa folie parfois furieuse. Malmené tout au long de ce roman, le héros de Nathan Larson n’a jamais autant eu l’air d’un John McLane noir et l’on s’attend toujours un peu à ce qu’il lance un « Yippe Ki Yay motherfucker ! » avant de coller une bombe ventouse sur le casque d’un agent lancé à sa poursuite. Mais au-delà de ces scènes jubilatoires de violence débridée, Nathan Larson continue à révéler parcimonieusement le passé de Decimal et à lui conférer ce faisant encore plus de complexité. Le héros bibliophile n’est pas qu’une caricature de soldat perdu ou de détective hardboiled chargé aux amphétamines ; c’est un personnage trouble partagé entre son désir de connaître enfin son passé et conscient que la révélation de ce qu’il fut risque de ne pas correspondre à l’homme qu’il est devenu et qui est finalement bien plus proche de ce qu’il voudrait être.
Mené tambour battant, avec parfois des arrangements assumés avec la cohérence de l’intrigue ou de l’action – allez, hop, on saute un passage pour lequel il aurait fallu s’embêter à trouver un moyen crédible pour le héros d’arriver à ses fins et on passe à la suite – Le Système nerveux, plus abouti néanmoins que le premier volume de la geste de Dewey Decimal, allie avec bonheur l’action sans temps mort et, en filigrane, la réflexion sur la conscience et les arrangements hypocrites que l’on peut trouver avec elle pour éviter de se regarder en face. Bref, de la série B intelligente et réjouissante.
Nathan Larson, Le Système nerveux (The Nervous System, 2012), Asphalte, 2016. Traduit par Patricia Barbe-Girault. 276 p.
Du même auteur sur ce blog : Le Système D ;