Là où le soleil ne se lève jamais, de Giorgio Scerbanenco
Fille orpheline d’une vieille famille de la noblesse italienne, Emanuela, quinze ans, atterrit dans un institut de rééducation de jeunes délinquantes après avoir été accusée de complicité dans un braquage monté par des jeunes hommes qui l’ont prise en autostop alors qu’elle se rendait à Rome après s’être enfuie de chez sa grand-mère. Innocente mais se refusant à donner quelque explication que ce soit afin de ne rien révéler sur les raisons qui l’ont poussées à partir, elle se trouve confrontée à l’implacable rouleau compresseur de l’institution judiciaire et de ses méthodes de rééducation.
Roman se déroulant en 1968, à la veille des années de plomb dans une société italienne particulièrement rigide où les fossés entre les classes sont encore très marqués et où la noblesse tient encore un rang – au moins symbolique – important, Là où le soleil ne se lève jamais tient autant du roman noir que du mélodrame et de la radioscopie sociale d’un pays ankylosé et peu préparé à affronter les bouleversements à venir dans les années suivantes.
Cette histoire de pauvre petite fille riche confrontée à une justice aveugle engoncée dans des principes archaïques et fondée plus sur la répression que sur une réelle recherche de la réinsertion pourrait aisément sombrer dans le mélo sirupeux. Pourtant, Scerbanenco arrive en grande partie – on reste parfois un peu perplexe face à la candeur de certains dialogues, et à de trop beaux hasards qui font rebondir l’intrigue – à donner à cette histoire un ton âpre et violent renforcé par le côté « sisyphien » du parcours chaotique d’Emanuela.
C’est cette atmosphère si particulière, ce portrait bien brossé d’une adolescence entêtée, vindicative et profondément chamboulée par les sentiments qui fait de Là où le soleil ne se lève jamais un roman que l’on lit, sans pour autant qu’il révolutionne le genre et sans doute grâce à sa relative brièveté (220 pages environ), avec intérêt et plaisir.
Giorgio Scerbanenco, Là où le soleil ne se lève jamais (Dove il sole non sorge mai, 1975), Rivages/Noir, 2013. Traduit par Gérard Lecas.