Vanda, de Marion Brunet
Femme de ménage dans un hôpital psychiatrique, Vanda peine à joindre les deux bouts et n’a certainement pas la vie dont elle aurait rêvé. La bohême du cabanon sur un plage marseillaise qu’elle partage avec son fils de six ans, Noé, n’a rien de bien romantique. Il faut bien s’en contenter pourtant, rêver un peu d’ailleurs en se contentant, en attendant, de ce qu’elle a et de cette relation fusionnelle avec Noé. Un amour si fort qu’il en deviendrait parfois presque toxique et si exclusif que l’arrivée de Simon, qui se découvre père de l’enfant, peut le faire basculer dans une forme de rage.
Après le très beau L’été circulaire, Marion Brunet, avec Vanda, retrouve un personnage féminin. C’est cette fois l’occasion de parler d’amour maternel, bien entendu, avec tout ce que cela peut avoir de beau mais aussi d’excessif et d’ambigu, et ce d’autant plus lorsque la maternité vient rendre plus intense le sentiment d’échec, plus palpable le fait que l’on n’a pas la vie que l’on aurait voulu.
L’équilibre bien précaire qu’a créé Vanda est remis en cause par l’arrivée de Simon qui découvre sa paternité et se sent investi d’une responsabilité. Homme rangé disposant d’une situation stable, il représente pour Vanda à la fois un cruel miroir et une menace potentielle. Un intrus qui viendrait s’interposer entre elle et son fils.
À partir de cette situation, Marion Brunet fait lentement monter la tension. On pressent le drame sans savoir de quelle manière il se nouera. Et c’est aussi l’occasion de parler de certaines formes de violence sociale. Il y a la précarité, bien entendu, et la façon dont Vanda est considérée dans son travail, mais aussi la question plus spécifique de ce que cela peut représenter d’être une mère seule dans une situation aussi difficile. Le passage consacré à l’été que Vanda passe en Corse est à ce titre particulièrement édifiant et poignant. Ce que l’on voit, pour le dire paradoxalement, c’est l’invisibilisation de Vanda, à la fois parce que la société refuse de la voir et de la considérer et parce qu’elle-même ne veut plus être vue, autant par honte que par fierté.
Ponctué de scènes particulièrement marquantes et touchantes – un anniversaire, l’échouage d’une baleine, un trajet en bus – qui en disent beaucoup en évitant les grandes démonstrations, Vanda est un roman noir beau et violent.
Marion Brunet, Vanda, Albin Michel, 2020. 236 p.
Du même auteur sur ce blog : L’été circulaire ;