Canyons, de Samuel Western
Ward Fall et les jumeaux Lindsay, Gwen et Eric, se sont rencontrés à l’université de Berkeley, où Ward et Eric se sont découverts une passion commune pour la philosophie et où Ward et Gwen sont tombés amoureux. Les Lindsay viennent d’une famille moyenne du Nebraska et Ward est le fils d’un grand propriétaire terrien de l’Idaho. C’est sur le ranch de ce dernier qu’ils se retrouvent pour chasser le faisan en cet automne 1970 et que Ward tue accidentellement Gwen.
Près de 30 ans plus tard, Ward et Eric se retrouve à l’occasion d’une réunion d’anciens étudiants. Le premier a suivi les traces de son père et demeure toujours dans l’Idaho ; il y a fondé une famille mais n’a jamais pu se libérer de la culpabilité qu’il charrie depuis qu’il a tué Gwen. Le second a fait une honorable carrière dans la musique, comme compositeur et arrangeur, à Los Angeles mais miné par l’absence de Gwen, s’est peu à peu renfermé sur lui-même. Quand Ward propose à Eric de revenir au ranch pour aller chasser le cerf, les deux hommes espèrent bien pouvoir solder définitivement les comptes.
Toute la tension de Canyons va donc résider dans cette partie de chasse et ses préparatifs. Qu’en attendent réellement Ward et Eric ? La rage d’Eric et la culpabilité de Ward trouveront-elles un exutoire dans les canyons où ils partent traquer un cerf ? C’est certainement là, au cœur du roman, que l’on trouve la partie la plus aboutie du roman de Samuel Western. Il y joue avec finesse de la tension inhérente à cette situation où deux hommes, l’un qui voudrait expier l’autre qui voudrait se venger, se retrouve dans une nature sauvage avec des fusils, mais aussi des liens qui se nouent peu avant entre Eric et Lorraine, la femme de Ward. Western creuse là ses personnages, sait dire avec finesse la complexité des sentiments ambivalents qui les assaillent. C’est, après la saisissante scène d’ouverture, ce qui fait la qualité du roman. Les longs passages qui décrivent Eric et Ward avant leurs retrouvailles apparaissent en effet parfois laborieux et la partie finale de Canyons, si elle est par bien des aspects émouvante, semble presque cousue de fil blanc et sans doute un peu trop mélodramatique.
Tout cela fait de Canyons, si l’on tient compte du fait qu’il est le premier livre de son auteur, un roman prometteur sur la culpabilité, la vengeance et le pardon, mais un ouvrage inégal et apporte donc une petite déception.
Samuel Western, Canyons (Canyons, 2015), Gallmeister, 2019. Traduit par Juliane Nivel. 219 p.