La Famille Winter, de Clifford Jackman
En 1889, dans l’Oklahoma, une bande de criminels s’apprête à déferler sur la communauté qui les a payés pour la débarrasser d’indiens encombrants. Ce groupe éclectique de desperados, se fait appeler la Famille Winter, du nom de son meneur, l’inquiétant Augustus Winter. Pourtant, ce jour de 1889, l’un d’entre eux trahi le groupe.
Depuis les dernières années de la guerre civile, cette bande composée à l’origine de soldats de l’Union et de quelques mercenaires pour semer la terreur derrière les lignes confédérées, s’est étoffée pour devenir un attelage regroupant les pires crapules et psychopathes et c’est l’histoire de cette trajectoire sanglante, de 1864 aux dernières années du XIXème siècle qu’entreprend de conter ici Clifford Jackman.
Pour ce faire, l’auteur canadien plonge ses personnages au cœur des bouillonnements de l’Histoire, de la Géorgie tombant sous la coupe des forces de l’Union dans la violence à la colonisation des territoires indiens de l’Oklahoma en passant par les conflits électoraux de l’abattoir géant qu’est Chicago, disputée par Républicains et Démocrates. Bref, il entraîne le lecteur derrière le rideau d’une démocratie en train de se forger sur le sang et les ruines et dont la Famille Winter, après avoir eu son utilité, n’est devenu qu’un parasite gênant et d’un type particulièrement agressif.
Cette façon d’aborder l’histoire du côté des salauds fait tout l’intérêt de ce roman épique qui ne manque pas de sel et ponctué de quelques scènes proprement hallucinantes. Intéressants aussi, quelques-uns de ces personnages, tiraillés entre leur idée du bien et la conscience qu’ils ont de se trouver embringués dans une folie qui les dépasse. Ainsi en va-t-il de Fred l’ancien esclave, de Jan le soldat enrôlé de force dès sa descente de bateau en arrivant d’Europe, de Bill Bread l’indien poursuivi par ses démons ou de Matt Shakespeare. Étonnamment, ce sont en fin de compte les deux meneurs, Augustus Winter et Quentin Ross qui apparaissent comme les plus monolithiques là où l’on sent que l’auteur voudrait en faire – en particulier pour Winter – des êtres énigmatiques. Ross est un cliché de psychopathe esclave de ses bas instincts, Winter un de ces anti-héros fantomatiques au passé douloureux que l’on a maintenant l’habitude de croiser.
Tout cela fait de La Famille Winter un western d’une rare violence, très prenant, certes, parfois très fin sous l’apparent déchaînement, mais aussi parfois écrasé sous le poids des clichés à la fois du western et du thriller. Le plaisir de lecture est indéniable, tout comme le fait que Jackman sait mener un récit, mais on est tout de même loin de la complexité et de la force de l’écriture d’un Méridien de sang de Cormac McCarthy ou d’un Crépuscule sanglant de James Carlos Blake, pour ne citer qu’eux.
Clifford Jackman, La Famille Winter (The Winter Family, 2015), 10/18, 2017. Traduit par Dominique Fortier. 413 p.
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