Jaune soufre, de Jacques Bablon

Publié le par Yan

Jaune soufre s’ouvre sur une espèce de meurtre parfait exécuté par vengeance par un adolescente qui vient tout juste d’accoucher. Cet acte, puisque la police est en incapacité de trouver la coupable, n’a pas d’incidences immédiates mais, une vingtaine d’années plus tard, ce sont les descendants de la tueuse et de la victime qui vont devoir d’une certaine manière se débattre avec ses conséquences. D’un côté Rafa, né le jour du meurtre, qui malgré son diplôme d’ingénieur vit toujours chez sa mère et vit de petits boulots de nuit. De l’autre Warren et Marisa Grondin, orphelins d’un père qu’ils n’ont en fait jamais connu et qui se retrouvent avec l’idée de le venger.

Les chapitres d’ouverture du roman de Jacques Bablon, qui portent sur l’assassinat de Grondin père, sont particulièrement accrocheurs. La mise en œuvre du crime par la toute jeune mère est en effet originale, bien menée, avec ce qu’il faut de suspense.

On ne peut pas forcément dire la même chose de la suite. Dès lors que l’on arrive au cœur du sujet du livre, aux conséquences de cet acte une génération plus tard, l’auteur met en place plusieurs trajectoires amenées à se croiser dans ce que l’on présume assez vite être une espèce de feu d’artifice final. Et, pour cela, Jacques Bablon semble centrer tout son travail autour des circonstances qui permettront d’y arriver et, au passage, de mettre en place quelques scènes d’action plutôt cinématographiques tout en conférant à son livre un rythme trépidant. Si l’intention est louable, elle se fait cependant au détriment de deux éléments importants : la cohérence et les personnages eux-mêmes.

La cohérence parce que, pour faire avancer son intrigue a bon rythme, l’auteur se doit d’enchaîner les scènes percutantes et fait donc l’économie de toute explication et, surtout, accélère les actions. Les personnages, montés sur rails, avancent sans que l’on ne comprenne toujours ni le sens de leurs actions, ni l’intérêt des situations dans lesquelles on les place (on pense par exemple aux scènes qui mettent en scène Rafa comme gardien de parking confronté à un règlement de compte entre dealers qui n’a d’autre intérêt que de mettre en place une scène de violence et de rappeler au personnage qu’il a une arme).

Les personnages parce que, lancés dans cette intrigue trop rapide, ils ne sont que clichés au service de l’action et que leurs motivations demeurent extrêmement basiques. Tellement d’ailleurs qu’elles en deviennent pour une bonne part assez peu crédibles. Les rares incursions dans une psychologie un peu plus complexe, à travers par exemple le trouble que peut ressentir Rafa vis-à-vis de sa mère, demeurent à peine esquissées et apparaissent finalement sans grand intérêt.

Tout cela donne en fin de compte un roman vif, certes, mais sans autre intérêt que d’aligner des scènes d’action plus ou moins réussies avec des personnages de carton-pâte.

Jacques Bablon, Jaune soufre, Jigal, 2018. 191 p.  

Publié dans Noir français

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