Mort sur le Tage, de Pedro Garcia Rosado

Publié le par Yan

Une femme cherche à fuir d’une embarcation sur le Tage. Poursuivie par deux hommes, elle est finalement battue à mort sur la rive et abandonnée là. Dans la nuit, cependant, une ombre a tout vu.

Evgueni, immigré russe de Lisbonne recherche désespérément sa petite amie, Irina. Il finit par s’adresser au frère de cette dernière, Sergueï, dit Oulianov, ancien du KGB et des spetsnatz, ex-membre d’une petite bande mafieuse russe qui a vainement tenté de s’implanter à Lisbonne, sorti depuis peu de prison.

Lourenço et Alberto, sont les fils de Salvador Teles, richissime homme d’affaires lisboète. La quarantaine bien sonnée tous les deux, ils ne sont que des faire-valoir pour leur père, deux fils à papa sûrs de leur impunité. Lancés avec leur cousin dans des tournages de films pornographiques sado-maso, leur dernière production a cependant dérapée. Une femme est morte. Une russe.

Mort sur le Tage, on l’aura compris, n’est pas un whodunit. Pas question ici de chercher les coupables du crime, ni même la victime ; nous les connaissons depuis le début. La question est plutôt de savoir si et comment les assassins vont tomber et quel rôle jouera précisément Oulianov dans cette éventuelle chute.

Surtout, cette traque doublée des efforts des deux frères pour effacer leurs traces et ne rien laisser deviner de leurs exactions à leur père, est l’occasion pour Pedro Garcia Rosado, de montrer l’envers du décor de la capitale portugaise. Le monde des immigrants d’Europe de l’Est exploités, celui des nantis et de leurs formidables capacités de corruption d’une administration peu regardante, celui aussi d’une ville souterraine que ses habitants ignorent, comme une métaphore d’un passé enfoui que les caprices du fleuve font cependant parfois ressurgir de force.     

C’est là, plus que dans une intrigue linéaire, bien menée mais sans grandes surprises, que réside le grand intérêt de Mort sur le Tage, et aussi dans la façon dont Pedro Garcia Rosado s’emploie, d’Oulianov aux frères Teles, en passant par l’inspecteur Moura et son temps de retard qu’il ne parvient jamais à rattraper, à camper des personnages complexes, tiraillés entre leurs pulsions et leur raison, écrasés parfois tout simplement par ce qu’ils sont ou ce que leurs vies ont fait d’eux.

C’est peu dire que le roman noir portugais est rare chez nous. Aussi ne peut-on que saluer les éditions Chandeigne de lui faire une place dans leur Bibliothèque lusitane et, ce faisant, de nous offrir un autre éclairage sur la société portugaise contemporaine.  

Pour toutes ces raison, Mort sur le Tage mérite d’être lu.

Pedro Garcia Rosado, Mort sur le Tage (Ulianov e o Diabo, 2006), Éditions Chandeigne, 2017. Traduit par Myriam Benarroch. 401 p.

Du même auteur sur ce blog : Le Club de Macao ;

Publié dans noir portugais

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