Le Club de Macao, de Pedro Garcia Rosado

Publié le par Yan

Trois ans après Mort sur le Tage, les éditions Chandeigne reviennent au roman noir avec un autre livre de Pedro Garcia Rosado qui, une fois encore, vient gratter le vernis de la bonne société portugaise pour révéler ce qui se cache en dessous et ici en particulier les relents d’un passé colonial mal digéré.

En 1985, à Macao, encore occupé pour quelques années par le Portugal, un groupe se forme autour du juge Carlos de Sousa Ribeiro. On y trouve des policiers, dont l’agent Carlos Vasques, un médecin et un présentateur de télévision. Ce Club de Macao, ainsi qu’ils l’appellent aura pour fonction de procurer à ces expatriés bien en vue les moyens de se divertir discrètement en jouant mais aussi et surtout avec de jeunes immigrées clandestines venues de Chine communiste. C’est le meurtre de l’une d’elle, Li Huei, dont Vasques s’était épris, qui va faire éclater le groupe et précipiter le retour de ses membres au Portugal.

Vingt ans après, chacun a fait son chemin à Lisbonne. L’un est devenu un des chefs de la police, l’autre un chirurgien de renom, un autre encore dirige une grande chaîne de télévision, et Sousa Ribeiro, procureur général envisage de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Ces quatre-là ont en commun d’avoir grimpé rapidement les échelons et d’avoir chacun à leur niveau profité du « procès de la Bienfaisance », une affaire qui a défrayé la chronique en mettant à jour un réseau pédophile dans lequel de grands notables et des membres de l’Église étaient impliqués.

Carlos Vasques, lui, a quitté la police pour monter une agence de sécurité. C’est l’un de ses clients, un opposant de Sousa Ribeiro, qui va le mettre sur la piste de ce dernier et peut-être bien lui offrir une vengeance.

Librement inspiré de l’affaire de la Casa Pia qui a défrayé la chronique judiciaire et politique portugaise pendant des années, ce nouveau roman de Pedro Garcia Rosado met en scène une belle galerie de salauds bien intégrés dans une société où domine un esprit de caste hérité d’un empire disparu dont ils se nourrissent encore à travers l’exploitation de ses orphelins. On trouvera de fait bien peu de personnages positifs dans Le Club de Macao à l’exception peut-être de quelques femmes en second plan, parce qu’elles sont détachées des ambitions dévorantes de leurs époux, et de deux flics, l’un brisé et perclus de remords pour avoir fait partie du club, l’autre bien plus jeune et consciencieux. Vasques, jamais remis de la mort de Li Huei, reste malgré tout un membre fondateur dudit club et semble animé autant par le désir de vengeance que par celui de démontrer qu’il est au moins aussi intelligent et retors que Sousa Ribeiro. Quant à cette vengeance que les circonstances lui permettent de fomenter, elle n’implique pas pour lui une quelconque forme de rédemption. C’est toute l’ambigüité de ce personnage dont l’aspect positif, ou à tout le moins susceptible de susciter un peu d’empathie de la part du lecteur, tient à son histoire tragique avec Li Huei et son enfant mais aussi au fait qu’il est seulement moins pourri que son adversaire.

Bien ficelée, l’intrigue ne cesse de s’accélérer jusqu’à une dernière partie un brin théâtrale mais indéniablement prenante et une ultime scène glaçante. Cette efficacité, alliée à une critique acérée du petit monde politique et médiatique portugais, fait de ce deuxième roman de Pedro Garcia Rosado une nouvelle réussite.

Pedro Garcia Rosado, Le Club de Macao (O Club de Macau, 2007), Chandeigne, 2020. Traduit par Myriam Benarroch et Nathalie Meyroune. 429 p.

Du même auteur sur ce blog : Mort sur le Tage ;

Publié dans noir portugais

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