La soif, de Pierre-François Moreau
À Los Angeles, Andalousie, patelin fait de bric et de broc, de hangars désaffectés et de bars miteux, dont le seul intérêt et de se trouver au croisement de voies de communications servant à divers trafics, on a soif. Victor, le colossal pharmacien, dès l’ouverture, s’enquillerait bien un gin. Dumure, enquêteur privé au service d’une entreprise d’eau minérale cherche de l’eau frelatée, Mounir, évadé d’une prison de Tanger a soif de vengeance, Fatima a soif de sexe et d’argent et les clans marocains et gitans qui voient arriver une éventuelle légalisation du cannabis ont soif de pouvoir.
On a soif, mais on ne boit pas, dans La soif, au risque sinon, comme Dumure, de choper une courante apocalyptique. Le roman noir de Pierre-François Moreau, avec ses multiples fils qui s’emmêlent dans un nœud inextricable de trahisons en séries, d’alliances de circonstances et d’explosions de violence dans une atmosphère écrasante de chaleur, de poussière et de pulsions de violence et de sexe tient autant de l’histoire de barbouzes et de truands que de l’expérience sensorielle.
Puzzle de la crise et du crime dans une Andalousie loin des routes touristiques, dont chacun des personnages détient quelques pièces sans jamais avoir une vue d’ensemble qui lui permettrait de limiter la casse, La soif vire assez vite au jeu de massacre et bien peu de personnages auront l’occasion d’étancher la leur, de soif. En creux, c’est le portrait d’une marge de l’Europe accablée par tous les maux d’une dérégulation généralisée dans laquelle tous les prédateurs cherchent à faire leur beurre.
L’énergie déployée par Pierre-François Moreau permet de glisser sur quelques passages un peu ampoulés pour nous entraîner dans une cuite à sec de 200 pages menées avec rage et aussi, quand même, un plaisant cynisme.
Pierre-François Moreau, La soif, La Manufacture de Livres, 2017. 200 p.