Sécurité renforcée, de Sean Doolittle
Paul Callaway et son épouse, Sara, tous les deux universitaires, sont venus s’installer dans la petite ville étudiante de Clark Falls, dans l’Iowa. Pourtant, après quelques mois, la police débarque pour arrêter Paul, accusé d’avoir pris des clichés pornographiques de sa petite voisine âgée de treize ans. Innocent, Paul comprend bien vite que cette accusation est l’œuvre de son voisin d’en face, Roger Mallory, ancien flic et chef du comité des voisins vigilants auquel Callaway a cessé de participer après, justement, un accrochage avec Mallory. Ainsi débute une descente aux enfers tandis que Paul tente, en revenant sur ses premiers mois à Clark Falls, de comprendre comment son voisin a préparé son piège et par quel moyen il va bien pouvoir s’en tirer.
Avec Sécurité renforcée, Sean Doolittle propose un roman noir d’autant plus inquiétant qu’il joue avec brio sur la thématique de cet air du temps sécuritaire auquel il est si facile de céder et qu’il met pour cela en scène un héros auquel il est aisé de s’identifier. Paul Callaway n’est ni un salaud, ni un héros. C’est un homme intelligent et relativement ouvert mais qui peut aussi à l’occasion monter facilement sur ses grands chevaux et se comporter comme un connard. Normal. Face à lui, Roger Mallory, voisin attentionné, préoccupé de la sécurité du quartier, victime d’un terrible drame personnel inspire naturellement la sympathie. Et clairement, entre le nouveau venu un peu soupe au lait et distant et le gardien dévoué qui a conservé des relations privilégiées avec les services de police du patelin, qui les gens vont-ils croire ?
Ainsi Sean Doolittle met-il en place le piège qui se referme sur Paul Callaway. Un piège d’autant plus machiavélique qu’il est cousu de fil blanc mais que, desservi par son caractère emporté, sa volonté de s’innocenter à tout prix en faisant fi des conseils de son avocat, Paul saute pour ainsi dire dedans à pieds joints et en toute conscience. C’est cette redoutable construction qui pousse le lecteur à l’empathie vis-à-vis de Paul Callaway en même temps qu’il se prend à essayer de le morigéner quand il cède trop facilement à ses pulsions et à son envie d’en découdre avec Mallory. Et c’est la proximité ainsi créée qui rend d’autant plus affolant le cours des événements et accentue le suspense.
Thriller efficace et intelligent, Sécurité renforcée est certainement, après l’honorable Savemore et l’apprécié Rain Dogs, le roman de la confirmation pour Sean Doolittle, qui passe là du statut d’honnête écrivain à celui d’auteur qui, plus que seulement des histoires à raconter, a aussi des choses à dire sur le monde dans lequel nous vivons, sur les mécanismes de la peur et la façon dont ils peuvent pousser à fermer les yeux sur les dérives sécuritaires. Pas un pensum, pas un roman militant, mais un livre qui sait dire les choses sans pour autant faire la leçon.
Sean Doolittle, Sécurité renforcée (Safer, 2009), Rivages/Thriller, 2016. Traduit par Élie Robert-Nicoud. 352 p.