Morceaux de choix, d’Alan Carter

Publié le par Yan

Philip Kwong, dit Cato, est un policier affecté à la Brigade du Bétail. En gros, donc, il écume le bush en Australie Occidentale afin de résoudre des meurtres de vaches ou de moutons. Pourtant, à une époque, Cato a été un vrai bon flic – et même l’icône publicitaire de la police australienne – avant d’atterrir au milieu de nulle part pour enquêter sur pas grand-chose après avoir été impliqué dans une sale affaire trop vite expédiée. Heureusement pour lui, la pénurie de policiers dans ce quart sud-ouest de l’Australie qui compte plus de kangourous que d’humains lui permet de s’intéresser enfin à un cas plus stimulant. Sur la plage d’Hopetoun, petite ville côtière bénéficiant depuis peu du boom de l’exploitation minière du nickel, un cadavre proprement décapité (et par ailleurs bouloté en partie par les requins) a été retrouvé. En attendant qu’une véritable équipe d’enquêteurs arrivent, c’est à Cato et à son taciturne coéquipier Buckley de donner un coup de main à la police locale.

Mais la découverte de ce corps a tôt fait d’entraîner une réaction en chaîne. C’est que dans ce Far West australien dont parle la quatrième de couverture du roman, on trouve des gens venus se faire oublier, des potentats locaux peu regardants sur le droit des travailleurs, surtout quand ils sont clandestins, et même des morveux psychopathes.

L’idée de départ est plutôt bonne. Par ailleurs Alan Carter sait user des paysages désertiques et du contraste qu’ils offrent avec l’océan austral, nous offrant ainsi quelques pages séduisantes et dépaysantes. Par ailleurs, la peinture qui est faite de la microsociété locale est particulièrement réussie : travailleurs exploités, immigrés anglais arrivés en terre conquise, jeunesse percluse d’ennui… Alan Carter rend bien compte de la façon dont une ville perdue dans une telle immensité peut devenir un carcan invivable et c’est certainement ce qu’il fait de mieux dans ce roman.

Car, de fait, Carter est moins à l’aise avec son intrigue et ses personnages. La première parce qu’elle se perd, à force de partir dans tous les sens, dans tout un tas de circonvolutions parfois inutiles et, par la même occasion, perd un peu aussi le lecteur. À trop vouloir semer les fausses pistes, à jouer sur les rebondissements incessants, l'auteur finit par égarer tout le monde. Les seconds car, s’ils peuvent être intéressants a priori (on pense bien entendu à Cato, le héros de ce qui est apparemment le premier volume d’une série, mais aussi à Tess, chef des étiques forces de police d’Hopetoun au bord de la dépression) ils demeurent trop souvent dépeints à grands traits ou constitués de poncifs du genre et manquent cruellement d’épaisseur.

Si l’on s’accroche à Morceaux de choix, c’est donc plus pour le voyage qu’il offre dans des contrées peu explorées par le polar et pour quelques moments ou Alan Carter se laisse aller à des scènes rocambolesques (un formidable passage dans lequel une petite teigne de onze ou douze ans est accidentellement électrisée à coup de taser par la police, par exemple) que pour l’intérêt que peuvent susciter les personnages principaux et l’intrigue. Autant dire qu’il y a là un assez gênant déséquilibre et que si l’on est prêt à refaire un tour avec Cato Kwong dans une prochaine aventure, on espère que ce sera pour une enquête plus solide sur la forme.

Alan Carter, Morceaux de choix (Prime Cut, 2011), Bragelonne, 2016. Traduit par Jean-Claude Mallé. 383 p.

Publié dans Noir océanien

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