Une poire pour la soif, de James Ross

Publié le par Yan

unepoirepourlasoifÀ la fin des années 1930, dans un pays qui subit encore les ravages de la Grande Dépression, Jack McDonald possède un semblant de ferme à Corinth, Caroline du Nord, et beaucoup de dettes, y compris auprès des pompes funèbres auxquelles il n’a toujours pas payé l’enterrement de sa mère. Exproprié, il trouve un emploi auprès de Smut Milligan, propriétaire d’une station-service aux limites de la ville qui envisage de transformer son établissement en roadhouse, sorte de restaurant-dancing. Mais Smut est lui aussi étranglé par les dettes, en particulier vis-à-vis d’Astor LeGrand, responsable local du parti démocrate et usurier. Alors quand Jack entend dire que Bert Ford, un ancien briseur de grève venu du Nord aurait enterré plusieurs milliers de dollars dans sa ferme, cela éveille sa convoitise et celle de Smut.

Il y a bien longtemps qu’Une poire pour la soif a acquis le titre de livre-culte et de livre maudit. Seul roman publié par son auteur, remarqué à sa sortie, en 1940, par Raymond Chandler, il fut pourtant un échec commercial, y compris après sa publication en format poche et lors de ses rééditions.

Ignoré ou perçu comme trop vulgaire à sa sortie, rattaché abusivement, comme le rappelle Philippe Garnier son traducteur français, à un illusoire genre, le « gothique sudiste », ce qui sous-entendrait, au grand dam de Ross, que ses personnages sont exagérés là où il n’a voulu que retranscrire une réalité, Une poire pour la soif a pâti de maintes incompréhensions et n’a jamais vraiment su trouver son public.

Il est pourtant clair que ce roman vaut que l’on s’y arrête. Dans un style réaliste qui n’est pas sans rappeler certains roman de James Cain ou, après lui mais bien plus connu, Jim Thompson, Ross fait la chronique acerbe du quotidien d’une petite ville du Sud et des tensions qui y sont à l’œuvre : entre ceux qui ont de l’argent et ceux qui leur en doivent, entre ceux qui veulent préserver les apparences et ceux qui se sont assis dessus depuis longtemps. Sur fond de corruption, de contrebande d’alcool et de liens quasi féodaux, James Ross peint au travers d’un fait divers sordide le portrait d’un Sud arriéré dans ce qui est alors la plus grande démocratie du monde.

Une poire pour la soif est le récit d’une réalité crue, sans héros mais bourrée de salauds ordinaires, ni pire ni meilleurs que les autres, dans un monde qui cherche à se moderniser mais qui reste figé dans ses structures sociales et où, en fin de compte, ce sont toujours les mêmes qui raflent la mise.

James Ross, Une poire pour la soif (They don’t dance much, 1940). Éd. Quai Voltaire, 1989. Rééd. Folio Policier, 1999. Traduit par Philippe Garnier.

Publié dans Noir américain

Commenter cet article

O
Il a traduit (entre autres) Bukowski, John Fante, Chris Offutt, Stewart O'Nan, James Crumley, Harry Crews...
Répondre
O
Lu il y a bien longtemps et en garde aussi le souvenir d'un excellent bouquin. Mais de toute façon, tout livre traduit par Garnier mérite un coup d’œil.<br /> Amitiés.
Répondre
Y
<br /> <br /> Oui, un excellent bouquin. Ceci dit, je n'ai pas souvenir d'avoir lu d'autres romans traduits par Garnier. À voir, donc.<br /> <br /> <br /> <br />
S
Grand souvenir de lecture également. Le type même de bouquins à faire lire à ceux qui prétendent détester le polar, ou le roman noir. J'ai ainsi converti au genre au moins 2 lecteurs...
Répondre
Y
<br /> <br /> Oui, c'est tout à fait ça, Serge.<br /> <br /> <br /> <br />
C
Très bon choix, mon cher Yan. Excellent souvenir de lecture. Il faudra que je m'y replonge un de ces jours.<br /> Amitiés.
Répondre
Y
<br /> <br /> Bonsoir Claude.<br /> <br /> <br /> Oui, c'est le genre de bouquin vers lequel on peut revenir plusieurs fois sans préjudice.<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />