Santa Muerte, de Gabino Iglesias

Publié le par Yan

Fernando vivait à Mexico jusqu’à ce qu’une altercation tourne mal et qu’il abatte par mégarde un membre du cartel de Sinaloa. Le genre d’accident qui incite à l’émigration. C’est comme ça qu’il a fini par se retrouver à Austin où il deale pour le compte de Guillermo. Mais un soir, il est assommé, jeté dans le coffre d’une voiture et emmené jusqu’à une maison dans laquelle une bande mareros torturent à mort l’un de ses collègues afin de le pousser à inciter Guillermo à leur céder son territoire. Humilié, terrifié, Fernando n’a plus qu’un seul espoir : la protection de la Santa Muerte, qu’il prie avec ferveur et dont il espère qu’elle armera suffisamment fort son bras afin qu’il puisse se débarrasser de ceux qui veulent sa peau et celle de ses amis.

Récit fiévreux d’une descente aux enfers dans les quartiers d’Austin où les différents gangs latinos se tirent la bourre, Santa Muerte, se lit avec la même urgence que celle qui habite un Fernando qui voit le fragile équilibre qu’il avait trouvé aux États-Unis mis à mal. Outre une galerie de personnages étonnants – prêtresse de la Santería, tueurs à gages complétement azimutés, mareros aux allures de monstres venus directement des Enfers ou caïd mollasson, le roman de Gabino Iglesias propose en filigrane une réflexion intéressante sur le passage des frontières, physique ou morales, et le fait de devenir un étranger. Si cette notion semble importante pour Iglesias, il prend toutefois soin de ne pas l’aborder de manière emphatique et fait surtout en sorte qu’elle ne vienne pas altérer le rythme échevelé de son récit, sombre, violent et doté d’un humour certain. Car Santa Muerte, en utilisant avec bonheur et surtout avec un salutaire recul la symbolique attachée aux narcos (on notera au passage la belle couverture), en flirtant avec le fantastique, se révèle être aussi un divertissement de premier choix dont on se dit en refermant le livre qu’il était en fait peut-être un peu trop court. Du pur plaisir.

Gabino Iglesias, Santa Muerte (Zero Saints, 2015), Sonatine, 2020. Traduit par Pierre Szczeciner. 180 p.

Publié dans Noir américain

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