November Road, de Lou Berney

Publié le par Yan

Franck Guidry est un membre de la pègre de la Nouvelle-Orléans apprécié pour sa discrétion et son efficacité. En ce mois de novembre 1963, il a justement rendu un service au parrain local, Carlos Marcello, en allant tout bêtement garer une voiture dans un parking de Dallas. Le problème, bien entendu, c’est que c’est justement près de cet endroit que quelques jours plus tard le président John Fitzgerald Kennedy est abattu. Guidry est bien trop intelligent pour ne pas faire le lien entre son innocente mission et cet événement. Surtout, il n’est pas assez bête pour croire que ses amis puissent envisager de le laisser en vie. Le voilà donc en route pour la côte ouest avec à ses trousses un tueur mandaté par Marcello.

Au même moment, dans une petite ville de l’Oklahoma, une jeune mère de famille, Charlotte, est bien décidée à quitter son ivrogne de mari et à se faire la malle, direction la Californie, avec ses deux petites filles.

Bien entendu, les chemins de Franck et Charlotte vont se croiser et le truand va rapidement comprendre que, pour échapper à celui qui le traque, le fait de voyager avec une femme et des enfants peut être un sacré avantage.

Tout dans November Road tient a priori du cliché : le truand traqué, le tueur qui flirte dangereusement avec la psychopathie et bien entendu la femme innocente qui cherche à s’émanciper. Autant dire que, du coup, c’est avec circonspection que l’on s’est lancé dans la lecture du roman de Lou Berney.

Et pourtant, ça fonctionne. Peut-être parce que Franck Guidry apparaît dès le début pour ce qu’il est – une vraie petite ordure –, peut-être parce que Barone, le tueur, se révèle peu à peu plus complexe qu’il n’y paraît ou parce que Charlotte n’est pas la première communiante qu’elle semble être. Sans doute parce que Lou Berney, s’il use d’un procédé de narration éprouvé, alternant les points de vue entre les trois personnages avec son lot de cliffhangers en fin de chapitres, le fait avec une réelle efficacité. Surtout, au fur et à mesure que son roman avance, les intrigues cousues de fil blanc que l’on s’attend à trouver, comme l’histoire d’amour naissante entre Charlotte et Franck ou la relation entre Barone et son jeune guide, finissent toujours par prendre un contrepied.

Ce faisant, Lou Berney non seulement capte l’attention mais arrive à surprendre. Cette poursuite qui finit par devenir une quête pour chacun des personnages prend une dimension autrement plus intéressante que le simple polar attendu. Le cadre historique et géographique a bien entendu son importance aussi, mais ce sont bien les personnages qui font vivre ce roman grâce à leur complexité insoupçonnée de prime abord.

Tout cela donne un livre à la fois diablement efficace et bien plus intelligent que ce qu’il paraît ; un pur divertissement auquel l’auteur a su donner ce petit quelque chose en plus qui fait que l’on n’oublie pas de sitôt le roman que l’on vient de lire et ses personnages. Une belle réussite.

Lou Berney, November Road (November Road, 2018), Harper Collins, 2019. Traduit parMaxime Shelledy. 381 p.

Publié dans Noir américain

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