Soleil rouge, de Matthew McBride

Publié le par Yan

Après l’hilarant et complètement foutraque Frank Sinatra dans un mixeur, voilà que nous arrive, toujours aux éditions Gallmeister, le deuxième roman de Matthew McBride. Et si l’histoire est une nouvelle fois échevelée, exit l’humour du précédent livre de l’américain qui nous amène une fois de plus dans le Missouri mais cette fois dans un comté rural ravagé par le trafic de méthemphétamine. Ce sera d’ailleurs là le leitmotiv du shérif adjoint Dale Banks et de son épouse : « mais qu’est donc devenue notre ville ? ». De fait, c’est toute la société du comté de Gasconade qui semble atteinte par ce virus. Les pauvres white trashes habituels, mais aussi la classe moyenne, comme ce banquier que les hommes du shérif arrêtent avec une certaine délectation et qui s’était lui aussi lancé dans le trafic.

Dans ce comté en perdition, les policiers ont fort à faire et, ainsi que le montre la scène qui lance véritablement l’histoire, jouent leur peau à chaque visite à un mobile home pourri qui renferme peut-être un laboratoire et/ou un taré complètement défoncé à la meth et généralement armé. C’est dans un de ces trailers en ruines posé sur des parpaings que l’adjoint Banks va trouver quelques dizaines de milliers de dollars et décider de les garder. Problème : ils étaient sous la garde de Jerry Dean Skaggs, petit trafiquant violent, mais surtout Jerry Dean a des associés, dont le très inquiétant révérend Butch Pogue, dépeceur de chevaux demeurant sur une colline avec sa famille directement échappée de Délivrance.

Voilà un point de départ relativement classique dans le roman noir en général – l’homme qui met la main sur un butin convoité par d’autres – et que Matthew McBride exploite honnêtement dans une histoire qui vaut avant tout pour sa description de la petite société de Gasconade et de son déclin qu’il réussit à rendre palpable non seulement par le biais de son intrigue principale, mais aussi par tout un tas de détails et d’anecdotes annexes évoquées par Banks et ses collègues ou par Skaggs.

Si l’on peut rester dubitatif face aux comparaisons faites avec la série Breaking Bad (en quatrième de couverture) ou avec Jim Thompson chez certains chroniqueurs – ce genre de comparaison, pas toujours pertinente d’ailleurs, finissant souvent par se retourner contre celui qu’elle est censée valoriser – il n’en demeure pas moins que Matthew McBride est un excellent conteur. Attaché à montrer une réalité tout en s’en libérant quand il le faut pour pousser un peu son histoire en y injectant un plus de folie, il accroche vite le lecteur et propose là un roman noir violent peuplé de personnages si ce n’est attachants, que l’on a du moins vraiment envie de suivre. On pourra certainement regretter, qu’arrivé après tout une série de romans jouant sur les mêmes thèmes, Soleil rouge, puisse sembler bégayer une histoire déjà vue et, plus gênant, que sa fin, à force de pousser l’exagération dans une poursuite apocalyptique, affaiblisse quelque peu l’ensemble.

Reste donc en bout de course un roman plaisant, vif et âpre, qui plaira aux amateurs de ce « rural noir » américain qui a actuellement le vent en poupe, mais un roman parmi d’autres, qui fait le boulot sans transcender le genre.

Matthew McBride, Soleil rouge (A Swollen Red Sun, 2014), Gallmeister, Neo Noire, 2017. Traduit par Laurent Bury. 221 p.

Du même auteur sur ce blog : Frank Sinatra dans un mixeur ;

Publié dans Noir américain

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M
Bonjour,<br /> J'allais m'enquérir d'un avis sur "Frank Sinatra dans un mixeur" sur votre site et apparait par magie sur facebook votre article sur "Soleil Rouge". J'ai découvert Frank Sinatra ... sur les conseils d'un bibliothécaire, et il est vrai que c'est un réel régal. Selon le bibliothécaire, la collection "néonoir" contient quelques autres pépites de cet acabit.<br /> Merci pour vos chroniques.<br /> Michel
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Y
Merci à vous, Michel. En ce qui concerne la collection Neo Noir, il y a en effet de bien bons livres. Je vous conseille en particulier Cry Father, de Benjamin Whitmer, Corrosion, de Jon Bassof, et Dernier appel pour les vivants, de Peter Farris.
C
Le roman - je ne serais pas si dur que toi - illustre bien une phrase de Ron Rash "Ce que les années 1960 ont apporté de pire à ce pays, c’est d’avoir fait découvrir les drogues aux bouseux "
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Y
Je ne me trouve pas très dur. Mais il y a de toute évidence un souci avec la fin. Et puis surtout, il commence à y avoir une sacrée masse de bouquins sur le même thème. Difficile de sortir du lot dans ces conditions.