Avenue Nationale, de Jaroslav Rudis
Long monologue, entrecoupé d’un court récit à la troisième personne, Avenue Nationale est l’histoire de Vandam, peintre en bâtiment dont le fait de gloire est d’être celui qui, en 1989, aurait lancé la Révolution de Velours en donnant le premier coup lors d’une manifestation sur l’avenue Nationale.
Pas sûr que tout cela ait véritablement servi Vandam. Pas sûr non plus qu’il le comprenne vraiment, ce fan de Jean-Claude Van Damme fasciné par la violence, obsédé par l’idée qu’il faut être constamment prêt à se battre pour sa vie et pour maintenir l’ordre. L’ordre tel qu’il le voit, du moins, lui qui aime à tendre le bras autant pour attraper une chope de bière que pour faire ce qu’il appelle pudiquement le salut romain.
De ce discours confus d’un homme submergé à la fois par son désir de puissance et son impuissance, obsédé par un ordre illusoire qu’il ne saurait lui-même respecter mais dont il attend des autres qu’ils s’y plient, Jaroslav Rudis extrait un portrait en creux d’une classe populaire tchèque délaissée et gagnée par le populisme le plus crasse, nourrie d’une pensée politique pour le moins trouble, mais surtout maintenue dans la misère et l’ignorance.
De la nécessité d’enchaîner 200 pompes par jours pour être en mesure de survivre à la convocation de l’esprit des antiques Germains en passant par les considérations sur les arbres ou les relations homme-femme, on est partagé entre affliction et rire nerveux face à une logorrhée qui finit parfois par approcher de la poésie.
Autant dire qu’il faut parfois s’accrocher face à ce drôle d’objet littéraire qui, pour autant, n’est pas dénué de charme ni d’intérêt. Une véritable curiosité.
Jaroslav Rudis, Avenue Nationale (Národní trída, 2013), Mirobole, 2016. Traduit par Christine Laferrière. 211 p.