Le bon fils, de Steve Weddle

Publié le par Yan

Sans surprise, la crise économique que subissent de plein fouet les classes moyennes de l’Amérique des marges continue d’alimenter la littérature noire américaine.

C’est au tour de Steve Weddle de nous amener dans une communauté rurale, ici dans l’Arkansas, à quelques encablures de la Louisiane. On croisera tour à tour une partie des habitants du comté de Columbia, qui ont tous en commun d’essayer de survivre au quotidien et de donner un sens à l’ersatz de vie que la société américaine consent à leur conférer. Champion Tatum et son fils essayant de sortir la tête de l’eau après le suicide d’Eleanor, le shérif et ses adjoints travaillant sur la disparition d’une adolescente et des braquages foireux, Clint Womack, pas un dollar devant lui et obligé par son patron à virer des employés du magasin d’alimentation dans lequel il travaille… des histoires de dettes, morales ou sonnantes et trébuchantes qui s’enchaînent et dressent un tableau désespéré et désespérant du déclassement dans une Amérique d’où disparaît la classe moyenne et ne semblent plus exister que les riches d’un côté et les pauvres de l’autre. Au milieu, Roy Allison, de retour de prison et qui retrouve sa grand-mère aux prises avec sa banque ; Roy Allison qui a lui aussi des dettes à payer et d’autres à recouvrir.

Tout cela est porté par une très belle écriture. Steve Weddle est incontestablement un très bon styliste, qui sait donner chair à ses personnages en quelques lignes, qui pose résolument mais avec délicatesse cette ambiance crépusculaire qui éclaire Le bon fils.

On ne peut toutefois que se trouver désappointé par la construction de ce qui, présenté comme un roman, tient plus du recueil de nouvelles dans lequel se croisent personnages et situations récurrents. Si l’on s’engage dans la lecture du Bon fils en faisant confiance à l’auteur pour nous mener à bon port, c’est-à-dire à la fin d’une intrigue cohérente, on finit malheureusement par être déçu. La profusion des personnages, parfois difficiles à identifier, l’enchaînement des points de vue et des situations, rend en effet particulièrement ardue la compréhension de l’ensemble. La multiplication des fils tirés et qui semblent moins se raccrocher à une trame solide que s’emmêler ou se briser en cours de route, ôte au roman de Steve Weddle une bonne part de son charme. Si l’écriture compense souvent le caractère nébuleux de la construction, elle ne suffit finalement pas à le faire oublier au lecteur qui, jusqu’au bout, passe bien du temps à se demander où on l’emmène sans trouver de réponse claire.

Tout cela est beau, certes, mais c’est aussi bien frustrant.

Steve Weddle, Le bon fils (Country Hardball, 2013), Gallmeister, coll. Néo Noir, 2016. Traduit par Josette Chicheportiche. 215 p.

Publié dans Noir américain

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P
Salut Yan, tu as parfaitement écrit mon ressenti. Superbe écriture mais je suis resté dubitatif quant à l'ensemble. Perdu un peu aussi. Amitiés
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F
Deuxième avis très mitigé que je lis sur ce livre ... :(<br /> Il me faisait de l'œil mais je crois que je vais passer mon chemin ! LOL
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