Dans la ville en feu, de Michael Connelly
Dans la ville en feu s’ouvre sur une scène saisissante. En 1992, inspecteur des homicides, Harry Bosch écume les quartiers sud de Los Angeles en proie aux émeutes qui suivent le non-lieu dont ont bénéficié les policiers qui ont battu Rodney King. Son travail consiste à fixer au mieux les scènes d’homicide afin de pouvoir monter des dossiers assez solides pour pouvoir continuer les enquêtes une fois les émeutes terminées. Mais des morts, il y en a beaucoup. Victimes de violences aveugles, pillards abattus par des propriétaires de magasins, propriétaires abattus par des pillards, règlements de comptes… l’équipe de Bosch ne chôme pas, mais un cas va durablement marquer l’inspecteur ; celui d’un cadavre découvert dans une ruelle. Il s’agit d’Anneke Jespersen, une journaliste danoise exécutée d’une balle dans la tête. Dans cette ville en feu où les cadavres s’accumulent, l’équipe de Bosch ne peut fournir qu’un service minimum et, sans surprise, l’affaire ne sera jamais résolue.
Après cette introduction tendue qui rend avec précision le chaos des émeutes de 1992, on retrouve Harry Bosch vingt ans plus tard au service des affaires non résolues. La police, secouée par des scandales à répétition, voudrait redorer son blason et sait que le vingtième anniversaire des émeutes va donner l’occasion à la presse de revenir sur tous les homicides qui n’ont pas donné lieu à des arrestations depuis 1992. Le chef de la police demande donc au service des affaires non résolues de plancher sur ces dossiers. Bien entendu, Harry Bosch voit là l’occasion de ressortir le dossier Jespersen et de relancer son enquête. Victime de gangs ? Exécutée sous le couvert des émeutes pour d’autres raisons ? C’est ce que va tenter de découvrir Harry Bosch, quitte à suivre des pistes qui dérangent.
Cela faisait un moment que j’avais plus ou moins lâché un Michael Connelly qui semblait dorénavant écrire en pilotage automatique, mais quelques échos un peu plus favorables qu’à l’accoutumée et un point de départ intéressant m’ont poussé à retrouver Bosch le temps d’un roman. N’y allons pas par quatre chemins : passée cette excellent introduction, l’enquête de Bosch, linéaire, avec ce qu’il faut de rebondissement, de conflits avec la hiérarchie et de quelques péripéties familiales, n’est pas des plus originales. Mais force est d’admettre que Connelly fait bien son travail, sait doser les éléments pour rendre la lecture agréable et, surtout, donner envie de la poursuivre.
Il y a aussi dans ce roman un très intéressant arrière-plan qui aborde de manière frontale les tensions qui existent encore au sein de la police sur le plan des questions ethniques. Dans une ville où les populations noire et hispanique représentent la majorité des habitants et où la police, même si elle a adapté sa structure sur la structure démographique de la ville[1] est encore vue comme une police défendant les intérêts des blancs, le fait que le seul crime de 1992 risquant, grâce au travail de Bosch, d’être celui d’une des seules victimes blanches, embarrasse la hiérarchie. S’il ne s’agit que d’une toile de fond, et si l’on peut regretter que Connelly n’ait pas un peu plus creusé cet aspect, il n’en demeure pas moins qu’il donne au roman une épaisseur supplémentaire.
Sans grande surprise mais bien fichu, intéressant sur le fond, Dans la ville en feu est une bonne surprise dans laquelle on retrouve un peu du Connelly des débuts.
Michael Connelly, Dans la ville en feu (The Black Box, 2012), Calmann-Lévy, 2015. Rééd. Livre de Poche, 2016. Traduit par Robert Pépin. 475 p.
[1] En 2009, 47.5% de la population de Los Angeles était hispanique, 29.4% blanche non hispanique, 10.7% asiatique et 9.8% afro-américaine. En 2013, le LAPD était composé de 43.6% d’agents hispaniques, 34.9% de blancs non hispaniques, 11.6% d’afro-américains et de 7.2% d’asiatiques. C’était l’intermède instruisons-nous avec Wikipédia.