Très chers escrocs, de Michel Embareck
Romancier, critique rock, amateur de Schutzenberger, chroniqueur de rugby, Michel Embareck a aussi exercé le métier de journaliste fait-diversier dans la presse quotidienne régionale. L’occasion de se trouver confronté à des affaires plutôt croquignolesques d’escroquerie. C’est que, comme il le rappelle lui-même, l’escroc, trop souvent dénigré, est avant tout un rêveur, un incorrigible optimiste persuadé que là, vraiment, ça aurait pu marcher… et ses victimes, bien souvent, ne valent pas mieux que lui, d’autant plus attirées par l’argent facile qu’il leur fait miroiter qu’elles y voient l’occasion de blanchir le leur et de faire fructifier des biens pas toujours très bien acquis.
Dans ces Très chers escrocs, on trouvera donc sept histoires particulièrement édifiantes, réelles mais romancées pour préserver l’anonymat de leurs protagonistes. Du faux producteur de films qui met à genoux une ville entière, banquiers, commerçants et élus compris, à une version particulièrement retorse et aboutie de la valise nigériane[1] en passant par le braquage de receleurs par des faux flics, Michel Embareck nous sert donc sur un plateau sept escroqueries de haut vol qui, en effet, on bien failli marcher, voire, même, ont fonctionné un moment (ah ! le blé bio en provenance directe de Tchernobyl !) ou volant au ras des pâquerettes (le terrible « gang des ateliers »).
Autant d’occasions de s’extasier sur l’ingéniosité et l’assurance de ces escrocs, ou de se marrer face à la naïveté crasse, bien huilée par l’appât du gain, de leurs victimes. D’autant plus qu’Embareck sait transformer le fait divers en histoire épique, et la conversation de bistro niveau brève de comptoir en dialogue à la Audiard, parsemant ses contes cruellement marrants, navrants parfois, d’expressions de derrière les fagots dont il a le secret :
«-(…) Le problème, c’est qu’on bosse sur commission rogatoire d’un juge de Rennes. Un tordu qui ne veut rien savoir.
-Le juge ?
-Ben oui, vous savez, un pingouin en costard toujours suivi d’une greffière. En général, on les trouve au bout d’un couloir dans un grand bâtiment en face du Bar du Palais… ».
Bref, on se marre. Ça fait du bien.
Michel Embareck, Très chers escrocs, L’Écailler, 2013.
Du même auteur sur ce blog : Cachemire Express ; À retardement ; Rock en vrac ; La mort fait mal ; Le rosaire de la douleur ; Avis d'obsèques ; Personne ne court plus vite qu'une balle ; Jim Morrison et le diable boiteux ; Bob Dylan et le rôdeur de minuit ;
[1] L’occasion de se replonger, d’ailleurs dans La reine des pommes, de Chester Himes, où un escroc tente de fourguer un produit transformant en coupures de 100 $ des talbins de 10 $. Ça date de 1957. Comme quoi, rien ne s’invente, tout au plus ce genre d’arnaque tend à se complexifier pour plumer encore plus le gogo. Et l’histoire d’Embareck est un sommet du genre.