2019. Bon cru.

Publié le par Yan

2019 touche lentement à sa fin et c’est le moment de sacrifier, sans déplaisir, à l’habituel bilan pour parler de ces livres qui, plusieurs mois après leur lecture parfois, et pour longtemps on l’espère, continuent à nous toucher.

Alors que ce blog se dirige vers sa neuvième année révolue, le nombre de chroniques a sensiblement baissé en 2019 et, surtout, celles-ci ont été un peu moins régulières. De longues absences ont laissé place à des publications en rafales. Nulle lassitude là-dedans, simplement d’autres obligations qui ont pris le pas sur ce loisir cette année. Un peu moins de nouveautés chroniquées donc, mais aussi pas mal de lectures d’ouvrages hors de l’actualité, ce qui n’est pas plus mal, parce que ça nourrit, parce que ça permet de sortir de certains sentiers battus, parce que, tout simplement, des amis dont on prise les avis nous les ont offerts ou conseillés.

2019 aurait pu commencer de pire manière puisque le premier livre chroniqué fut Dans l’ombre du brasier, d’Hervé Le Corre. Ce polar situé en pleine Semaine sanglante mêle enquête, souffle épique, magnifiques portraits de femmes et d’hommes engagés jusqu’au bout… on peut difficilement faire mieux dans le genre.

C’est d’une autre forme d’engagement que parle Éric Plamondon dans Oyana, à travers la lettre de rupture et les souvenirs d’une militante basque en exil qui décide de rentrer chez elle. Dans ce roman dense et serré, l’auteur, sans jamais juger, vient d’une manière très émouvante poser les questions de l’identité, de l’engagement et du cycle de la violence.

Toujours côté français, et encore du côté de l’Histoire et de la persistance de la violence, Jean-Christophe Tixier, auteur essentiellement de romans pour la jeunesse, fait une entrée remarquée dans le roman noir avec Les Mal-aimés, livre âpre et touchant qui évoque les bagnes pour enfants.

L’enfance, tiens, parlons-en. Celle dont Philippe sort de manière brutale dans Les yeux fumés, de Nathalie Sauvagnac dans une histoire qui, commencée sur le ton de l’humour, voit peu à peu infuser la noirceur jusqu’à un dénouement saisissant.

Ce sont d’autres adolescents que met en scène Sebastian Barry dans Des jours sans fin, récit épique de la vie de deux jeunes garçons amoureux jetés dans le chaudron de l’histoire entre guerres indiennes et Guerre civile. Sublime.  

Un peu plus d’un siècle plus tard, c’est le parcours d’un autre ado que l’on suit dans La Crête des damnés, de Joe Meno, formidable roman d’initiation sis dans la middle class américaine du début des années 1990, entre tensions communautaires, recherche d’une identité, rupture avec un monde adulte décevant et douloureuse sortie de l’enfance.

Ces années 1990, il en est aussi question dans Eureka Street, de Robert McLiam Wilson, petit chef-d’œuvre que j’ai mis trop de temps à me décider à lire et qui, à travers le récit de la vie d’un groupe d’amis dans le Belfast secoué par les Troubles, trouve l’équilibre parfait entre l’humour et la gravité. Merci à Sébastien d’avoir encore et toujours insisté pour que je le lise.

Autre chef-d’œuvre en son genre, chaudement conseillé par Constance avec – bien entendu – raison, Un bonheur parfait, de James Salter, qui déchire le voile d’un couple trop parfait pour faire émerger des vies faites de joies fugaces, de bonheurs effleurés et de renoncements douloureux et un roman d’une grande mélancolie dans laquelle, toutefois, par la grâce d’une écriture lumineuse on se laisse envelopper sans regrets.

Et puisqu’on en est à parler de lectures tardives d’ouvrages parus depuis longtemps, remercions Olivier, de La Machine à Lire, qui a réussi à nous trouver les volumes de nouvelles de Larry Brown parus en leur temps à La Noire, et en particulier Faire front, recueil brillant de neufs nouvelles qui mettent l’être humain à nu.

C’est l’occasion de parler d’un autre écrivain du Sud disparu, en la personne de Harry Crews dont les éditions Finitude viennent de publier un magnifique recueil d’articles, Péquenots. Tout Crews est là-dedans. C’est fou, beau et violent.

Revenons-en aux nouveautés marquantes avec Ce que la mort nous laisse, de Jordi Ledesma, très beau roman noir sur la culpabilité dans une ambiance poisseuse qui continue à vous coller à la peau après sa lecture.

Avec Mécanique de la chute, Seth Greenland écrit sans doute son grand roman. On y retrouve son humour, certes, mais aussi un regard extrêmement incisif sur les divisions de l’Amérique actuelle à travers le récit de la chute de Jay Gladstone, magnat de l’immobilier pris dans un inarrêtable engrenage politico-médiatique.  

Le titre d’OVNI de l’année revient à Francis Rissin, de Martin Mongin, roman de l’inconscient politique français à travers l’insaisissable portrait d’un mystérieux personnage qui phagocyte le pays. Vertigineux.

Pour finir sur quelque chose de plus classique -encore que – on évoquera les deux volumes des enquêtes d’Aidan Waits, flic borderline de Manchester mis en scène par Joseph Knox dans Sirènes et Chambre 413. Jeune auteur brillant et grand lecteur de noir, Joseph Knox inaugure là une série extrêmement prometteuse qui, tout en s’appuyant sur les codes classiques du genre, réussit à le renouveler avec intelligence et à lui donner une couleur très personnelle.

Voilà donc pour cette sélection très subjective en espérant que 2020 nous offrira au moins autant de plaisir à découvrir des livres, nouveaux ou pas. Bonne lecture.

 

Publié dans Divers

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