Dark Horse, de Craig Johnson
Après avoir hébergé Virgil White Buffalo dans Enfants de poussière, la cellule des services du shérif du comté d’Absaroka, qui devient décidément un personnage à part entière, reçoit un nouveau prisonnier mutique et potentiellement innocent. Mary Barsad est accusée d’avoir abattu de sang froid son mari pendant son sommeil. Il faut dire que Wade Barsad avait un peu tiré sur la corde en mettant le feu à la grange de son ranch après y avoir enfermé les chevaux de sa femme ; ultime méfait et humiliation d’un homme connu pour être un escroc et un mari volage. Et Walt Longmire craint que cette femme qui n’éprouve apparemment aucun remord ne finisse sa vie au fond d’une cellule, d’autant plus qu’il est de plus en plus persuadé de son innocence. Le voilà donc parti direction Absalom, Wyoming, trois rues et quarante habitants pas très accueillants, pour tenter d’enquêter discrètement sur ce crime.
Il y a quelque chose d’immuable chez Craig Johnson : son talent à décrire le Wyoming et ses habitants rudes et façonnés par les conditions extrêmes de cette région pour le moins hostile. Ce qui l’est moins, c’est sa narration, toujours un peu différente à chaque volume, comme si Johnson refusait de s’enfermer dans un certain style, de servir à chaque fois exactement la même recette. De fait, on a affaire ici à un excellent artisan plutôt qu’à un industriel du roman noir. Dark Horse, donc, ne déroge pas à cette règle : on retrouve tous les ingrédients essentiels d’une aventure de Longmire, les paysages, les états d’âme de ce shérif vieillissant et son attachement à sa région, l’imposant Henry Standing Bear, les adjoints… mais Craig Johnson fait encore un pas de côté et aborde l’aventure d’une manière différente, en jouant ici sur des aller-retour entre le dialogue de sourds qui s’instaure entre Longmire et Mary Barsad dans la cellule d’Absaroka et la pseudo infiltration du shérif à Absalom une semaine plus tard.
Et le lecteur attentif s’avise que si chaque roman de la série peut se lire indépendamment Craig Johnson n’en a pas moins en tête un certain plan d’ensemble. Ainsi des personnages ou des situations issus des précédents romans repassent, évoluent, prennent de l’importance. C’est aussi cela, outre les enquêtes toujours bien ficelées et ponctuées de moments de bravoures, qui crée cet attachement que l’on a pour Walt Longmire et ses amis. Une fois encore Craig Johnson séduit et délivre un roman passionnant dans lequel une chevauchée fantastique sous les éclairs dans le paysage désolé d’une mesa vaut à elle seule le détour.
Craig Johnson, Dark Horse (The Dark Horse, 2009), Gallmeister, 2013. Rééd. Points Policier, 2015. Traduit par Sophie Aslanides. 378 p.
Du même auteur sur ce blog : Le camp des morts ; L’indien blanc ; Enfants de poussière ; Molosses ; Tous les démons sont ici ; Steamboat ; À vol d'oiseau ; La dent du serpent ;