Yiddish Connection, de Rich Cohen

Publié le par Yan

yiddishconnectionDans les années 1920, une jeune génération de gangsters juifs émerge dans le quartier de Brownsville, à New York. Menés par Abe Reles et Buggsy Goldstein, ces Brownsville’s boys s’allient à Lepke Buchalter et fondent une association que la presse appelle la Murder Incorporated, bande de tueurs au service de la Mafia.

C’est cette histoire, de l’ascension à la chute de ce groupe de juifs énervés que conte Rich Cohen à partir de rapports de police, de minutes de procès, de témoignages de truands et de sa propre histoire familiale (sa grand-mère tenait le restaurant où se réunissait la bande). Contournant l’aridité de ses sources grâce à un véritable talent de conteur, Cohen dresse un portrait vivant de cette histoire relativement courte, puisque des débuts de l’association avec Lepke au moment où Reles se transforme en mouchard moins de vingt ans se passent (mais « dans le milieu, les choses se passent si vite que le temps devrait y être mesuré comme l’âge des chiens. ») qui a transformé durablement le crime organisé américain et qui s’est finalement diluée dans celle de la Mafia américaine.

Car au-delà d’une simple chronique du crime, Yiddish Connection est aussi pour Rich Cohen un moyen de s’interroger sur l’image du Juif. Issu d’une génération (il est né en 1968) qui a grandi avec le souvenir oppressant de la Shoah et l’image du Juif vu comme une éternelle victime, Cohen explique bien comment cette histoire des gangsters juifs qui a hanté son enfance l’a partagé entre admiration et répulsion. Ces Juifs-là étaient sans nul doute des criminels sanguinaires, des hommes dénués de conscience, mais aussi des durs à cuire, des types qui ne se seraient pas laissé marcher sur les pieds par le premier nazi venu – et Cohen d’imaginer comment Pittsburgh Phil aurait éventré Himmler si celui-ci avait osé essayer de s’en prendre à lui. C’est sur cette ambigüité entre le statut d’épouvantail, de monstres jetant l’opprobre sur toute la communauté, en même temps que de héros locaux osant faire un pied de nez à un système américain parcouru par un antisémitisme à peine voilé, que s’interroge Rich Cohen.

Ce faisant, il donne vie sous nos yeux à cette histoire mythique où l’on croise tour à tour Arnold Rothstein, Bugsy Siegel, Albert Anastasia, Dutch Shultz ou Meyer Lansky dépouillés des oripeaux que leur a fourni le cinéma ; une histoire pleine de fureur, de sang et de trahison, une tragédie antique jouée à coup de pic à glace, de corde à linge et de chaise électrique.

Si l’on peut légitimement regretter l’effarante profusion de coquilles qui émaillent le texte, on ne peut cependant que reconnaître le caractère exemplaire de cet ouvrage et, surtout, son côté éminemment passionnant.

Rich Cohen, Yiddish Connection (Tough Jews, 1998), Denoël, 2000. Rééd. Folio Gallimard, 2002. Traduit par Frédérik Hel Guedj.

Publié dans Noir américain

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S
Mis dans ma Lal, livre à lire
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Y
<br /> <br /> Ah!<br /> <br /> <br /> <br />
S
Lallisé, pour NYC et une vision communautaire
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Y
<br /> <br /> Lallisé?<br /> <br /> <br /> <br />