Un petit plaisir : L’Épouvantail, de Michaël Connelly
Le journaliste Jack McEvoy vient d’apprendre qu’il est viré du Los Angeles Times. Trop ancien dans le journal, donc trop bien payé, il fait partie de la dernière charrette de licenciements. Il y a bien sûr de quoi être amer. Il décide donc de se jeter à corps perdu sur un dernier article qui, il l’espère, le mènera au moins au Pulitzer, ultime pied de nez à ses futurs ex-patrons.
Cette enquête qui paraissait banale de prime abord va l’entrainer à la poursuite d’un serial-killer particulièrement retors et spécialisé dans la protection – et donc aussi le piratage – des données informatiques.
J’ai découvert Connelly il y a une dizaine d’années avec Les égouts de Los Angeles puis Le Poète, la première aventure de Jack McEvoy. Je suis vite devenu accro. Longtemps j’ai eu besoin de ma dose annuelle de Connelly. Mais, depuis quelques temps, je trouve l’auteur un peu faiblard. J’avais eu un peu de mal avec ses « one shot » La lune était noire et Darling Lilly et j’ai été franchement déçu par Echo Park. J’ai beaucoup aimé découvrir Mickey Haller dans La défense Lincoln, mais j’ai trouvé les ficelles utilisées dans l’épisode suivant – Le verdict de plomb – bien trop grosses.
Avec L’Épouvantail, mes sentiments sont mitigés. Certes, le livre se lit sans mal et avec plaisir. Mais, encore une fois, je trouve que Michaël Connelly, quand il ne sait plus trop comment faire, s’en tire avec des pirouettes assez peu crédibles : McEvoy avoue ainsi dès le début qu’il n’aime pas l’informatique, peste contre internet, mais arrive très naturellement à déduire en quelques minutes qu’il existe quelque part un site créé par le tueur pour savoir qui est à sa poursuite. De la même manière, le contexte – politique, économique, social – dont parle Connelly semble parfois un peu creux, plaqué. Là où Lehane, dans Moonlight Mile, nous fait sentir en quelques lignes la crise profonde que traverse la classe moyenne américaine, Connelly reste trop centré sur son personnage principal pour nous faire réfléchir à cela, y compris sur la crise de la presse qui est pourtant un des sujets centraux du livre et sur lequel on apprendra plus de choses en regardant la série The Wire. Ce sont ces petites choses qui font que Connelly a jusqu’à présent cessé de me surprendre. C’est bien dommage. Toutefois, je le retrouve toujours avec un certain plaisir (parfois coupable !).
En lisant L’Épouvantail, je repensais à cette chronique de Pierre Desproges dans laquelle il racontait le moment d’extase qu’il avait vécu en mangeant, un soir où son frigo et son placards étaient désespérément vides, une boîte de corned-beef avec une demi-baguette de pain mou, le tout arrosé de vin capsulé style Gévéor.
En fin de compte, malgré toutes mes réticences sur le côté très formaté des bouquins de Connelly, et même si j’aimerai qu’il travaille un peu plus ses intrigues quitte à sortir moins de romans, je ne lâche pas ses livres et passe finalement des moments toujours agréables en sa compagnie. Mais jusqu’à quand ?
Michaël Connelly, L’Épouvantail, Seuil Policiers, 2010. Rééd. Point Policier, 2011. Traduit par Robert Pépin.
Du même auteur sur ce blog : La défense Lincoln.