Un français à New York : La fille de Carnegie, de Stéphane Michaka
Il était plus que temps pour moi de parler de Stéphane Michaka, jeune auteur talentueux entré dans le monde du polar par la grande porte avec le n° 700 de la collection Rivages/Noir. Une entrée tonitruante, saluée quasi-unanimement, et originale puisque l’intrigue de ce premier roman d’un auteur français se déroule à New York avec des personnages américains.
Je n’éviterai pas les redites tant ce roman a été chroniqué depuis sa sortie. Mais une petite piqure de rappel ne peut pas faire de mal. Et ça me fait plaisir.
Flic borderline, paumé et raciste, Robert Tourneur n’a pas particulièrement envie de rentrer chez lui pour retrouver sa troisième femme. L’appel qu’il reçoit pour se rendre sur les lieux d’un meurtre est donc le bienvenu. En pleine représentation de La Flûte enchantée au Metropolitan Opera, un homme transpercé par trois balles est tombé de la loge de Sondra Carnegie, critique d’opéra et riche héritière. Quant à Sondra, elle a disparu.
Un suspect est cependant vite interpelé. Il s’agit de Mike Lagana, un ancien flic devenu détective privé et, surtout, ancien collègue et rival amoureux de Tourneur. Le temps d’une nuit, alors que Tourneur interroge Lagana, vérité, mensonge, faux-semblants, manipulations vont s’entremêler pendant que de vieilles histoires ressurgissent.
La fille de Carnegie est un roman bluffant. Auteur de théâtre (le roman est l’adaptation d’une pièce écrite par l’auteur), Stéphane Michaka a le sens du dialogue et sait construire des personnages à la fois attachants et complexes. Mais il ne s’arrête pas là et nous offre aussi de superbes descriptions et arrive à construire un roman fait de changements de points de vue et d’époques sans y perdre le lecteur et sans que cela paraisse artificiel.
À ces qualités formelles vient s’ajouter la finesse de l’auteur qui rend un bel hommage à New York et aux maîtres du polar hard boiled et sait utiliser avec efficacité et parcimonie, par l’intermédiaire notamment des deux adjoints de Tourneur, quelques tranches d’un humour bienvenu dans cette atmosphère pesante.
Stéphane Michaka tisse dans La fille de Carnegie une toile dont chaque fil semble mener à un nouveau coupable – l’innocence n’a pas vraiment sa place ici – et dans laquelle on se laisse prendre avec plaisir.
Stéphane Michaka, La fille de Carnegie, Rivages/Noir, 2008.
Du même auteur sur ce blog : Elvis sur Seine ; Ciseaux.