Tu ne tueras point. Le Sixième Commandement selon William Muir
Riley a la trentaine, une ex-femme, une fille, un boulot ennuyeux, des aventures d’un soir, il joue au foot, va au pub… c’est un citoyen britannique moyen. Tellement moyen que lorsque le référendum sur le retour de la peine de mort a eu lieu, il a fait comme ses copains. Il a voté pour. Afin de débarrasser le pays des meurtriers, des violeurs et des pédophiles. Ce faisant, dans un État où, par la même occasion on levait l’anonymat du vote, il s’engageait à servir de bourreau s’il était tiré au sort. Nul doute pour lui : s’il le fallait, il le ferait. Et avec plaisir encore. Et puis de toute façon, il avait plus de chance de gagner à la loterie nationale que d’être appelé pour exécuter un condamné à mort. Riley n’a pas gagné à la loterie. Par contre, un beau matin, il reçoit une convocation du ministère de la Justice : il va devoir s’acquitter de la tâche en faveur de laquelle il a voté.
William Muir, dans ce roman, joue en finesse en mettant en scène un citoyen lambda appelé à exécuter un meurtrier auteur d’un crime odieux et dont la culpabilité ne fait aucun doute. Or, pour autant, Riley, malgré l’enthousiasme dont il a fait preuve le soir du référendum, n’a aucune envie de participer à son exécution et va tout faire pour échapper à cette responsabilité. Par la même occasion, Muir peut aborder la question de la dictature de l’émotion et des sondages d’opinion, ou encore la privatisation rampante. Autant de thèmes d’actualité auquel il ne peut être que bon de penser.
« -Mais bon Dieu, Riley, asséna Andrew d’une voix grinçante, tu ne serais pas dans cette mélasse si tu n’avais pas voté pour cette saloperie !
-Je le sais. Simplement, à l’époque, je n’ai pas réfléchi suffisamment. De toute façon, personne ne pensait que ce décret allait passer. Aucun des journaux. Tous les sondages d’opinion indiquaient qu’il serait rejeté ».
Roman de (très ?) légère anticipation, Le Sixième Commandement, de William Muir, malgré quelques petites maladresses inhérentes à une première œuvre (l’explication, un peu trop démonstrative et tirée par les cheveux, de la convocation de Riley), est un livre malin qui réussit à ne sombrer ni dans le glauque ni dans l’exposé pontifiant et moralisateur. Muir place son personnage face à ses responsabilités et, par la même occasion, amène le lecteur à se poser lui-aussi des questions sur ses choix dans un monde ou tout va si vite et où le virtuel est si prégnant qu’il est facile pour le citoyen de se sentir libéré de toute responsabilité. Ajoutons à cela une écriture agréable teintée d’un semblant d’humour noir, et l’on se trouve face à un roman aussi agréable à lire que propre à nous faire réfléchir.
William Muir, Le Sixième Commandement, Gallimard, Série Noire, 2005. Rééd. Folio Policier, 2011. Traduit pas Janine Hérisson.