The Kid, avant Billy… ou l’inverse. Quién es ? de Sébastien Doubinsky
Quatre-vingts pages de monologue dans la peau du héros pour expliquer comment Henry McCarty, alias Henry Antrim, alias William Antrim, alias Kid Antrim, alias William Boney, est devenu Billy The Kid. Voilà une expérience littéraire originale et peut-être aussi rebutante. Pour ma part, j’avais acheté le livre sur la foi de sa quatrième de couverture et n’ai découvert sa forme singulière qu’à la lecture.
Lecture-surprise donc. Mais lecture séduisante dans l’ensemble. De fait en se glissant dans la tête de Billy The Kid peu avant sa mort (le moment où, abattu par Pat Garrett, il aurait prononcé la phrase-titre, Quién es ?, Qui est-ce ?) et en suivant tous les méandres de sa pensée, Sébastien Doubinsky double ce qui apparaît comme une expérience littéraire et stylistique d’un moment d’introspection hors du commun.
Sur la forme, cela prend l’apparence de longues phrases (jusqu’à deux pages) entrecoupées par des tirets lorsqu’apparaissent des digressions. Une manière de rendre une certaine urgence, de donner une véritable chair au personnage et d’impliquer réellement le lecteur.
Sur le fond, on entre de plain-pied dans cette fin de 19ème siècle et l’on voit naître sous nos yeux ce Billy The Kid que l’on ne connait souvent au mieux que par le biais de quelques western ou, au pire, par celui d’un album de Lucky Luke. Sébastien Doubinsky casse ici le mythe et fait de Billy The Kid ce qu’il est : un adolescent orphelin de père irrésistiblement attiré par les ennuis, pour qui sa vie et sa mort semblent déjà écrites et qui attend l’avenir avec fatalisme.
Le pari de Doubinsky est audacieux et, dans l’ensemble, réussi si l’on excepte le fait que régulièrement on sent sans doute un peu trop Sébastien Doubinsky émerger dans les pensées de Billy The Kid. Un écueil difficile à éviter et que l’on pouvait assez vite pressentir dès lors que l’on entrait dans les pensées les plus intimes du héros. Il n’en demeure pas moins que l’ensemble se tient et que cette expérience originale mérite que l’on s’y attarde.
Sébastien Doubinsky, Quién es ?, Éditions Joelle Losfeld, 2010.
Du même auteur sur ce blog : Le feu au royaume.