Rétrospective Parker (27) : Demandez au perroquet, de Richard Stark
On avait abandonné Parker grimpant une colline pour échapper à la police après son dernier braquage. C’est là qu’on le retrouve dans Demandez au perroquet. Arrivé au sommet, il tombe sur un homme armé d’un fusil. Il s’agit de Tom Lindahl. Comme la plupart des chasseurs du coin, il s’est mis à la recherche des fugitifs. Sauf que, coup de chance pour Parker, si Lindhal recherche les braqueurs, ce n’est pas pour les livrer à la police mais dans l’espoir qu’ils l’aideront à se venger de son dernier employeur, une entreprise gérant un champ de courses, en le dévalisant.
Tributaire de cet homme seul partageant sa vie avec un perroquet muet, Parker va devoir encore une fois faire preuve d’ingéniosité mais aussi compter sur le hasard pour échapper à ses poursuivants et rejoindre enfin Claire dans leur maison de Colliver Pond.
Depuis 1962, Parker a bien changé. Longtemps apparu comme un monolithe, une machine parfaitement huilée, à tel point que l’on pouvait se demander s’il avait changé, vieilli, entre sa dernière aventure de 1974 et son retour en 1998, il est, depuis plusieurs volumes, bousculé par son créateur.
Expédié en prison dans Breakout, presque dépassé par les événements dans À bout de course !, il semble de plus en plus esseulé et même, par certains côtés, essoufflé. Il ne sera d’ailleurs jamais vraiment question de braquage dans ce nouveau roman : le cambriolage du champ de courses n’est qu’un objectif annexe et se trouve traité comme tel. Ce que fait Stark, c’est placé son héros vieillissant dans une situation des plus inconfortable, histoire de voir s’il a encore les tripes et le cerveau qui lui permettront de s’en sortir.
Isolé, sans complices professionnels auxquels se raccrocher, expédié dans un environnement hostile dans lequel il risque à tout moment d’être identifié comme l’un des braqueurs recherchés, Parker doit improviser sans cesse et voit s’accumuler les grains de sables dans une machine qu’il n’a même pas eu le temps de commencer à huiler. Dans ce hameau peuplé de ploucs pas toujours très malins mais plutôt perspicaces, l’insubmersible héros va donc passer son temps à colmater les brèches.
De manière récurrente mais plutôt fugitive à chaque fois, Richard Stark a évoqué la manière dont Parker pouvait faire preuve d’une certaine connaissance du genre humain et de sa psychologie pour faire en sorte que des situations ne dégénèrent pas. Cet aspect psychologique apparaissait un peu plus dans À bout de course ! Il est ici prégnant. Pour sauver sa peau, Parker ne peut pas compter que sur son ingéniosité matérielle et doit de plus en plus composer avec les personnalités des gens qui croisent sa route.
En mettant son héros dans cette situation, Richard Stark non seulement renouvelle intelligemment la série, mais fait aussi changer notre regard sur Parker. Le loup solitaire devient peu à peu un homme esseulé. Marginal vis-à-vis de la société mais aussi de son milieu depuis le début, Parker se retrouve de plus en plus isolé et, ainsi qu’on l’a déjà dit dans la chronique précédente, comme un archaïsme, une survivance d’un milieu qui n’existe plus et qui n’a pas réussi à s’adapter à la nouvelle société interconnectée dans laquelle nous vivons. Ce faisant, et même s’il continue à lui donner un aspect froid et méthodique, Richard Stark rend son personnage de plus en plus humain.
Avant-dernier roman de la série, Demandez au perroquet apparaît donc comme l’un des meilleurs du revival de Parker initié en 1998, une remise en cause du héros sans doute un peu cruelle mais aussi belle, au fond.
Richard Stark, Demandez au perroquet (Ask the Parrot, 2006), Rivages/Thriller, 2012. Traduit par Marie-Caroline Aubert.
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