Rétrospective Parker (14) : Un petit coup de vinaigre
L’excursion du côté de Grofield avec La dame avait fait du héros la proie. En revenant à Parker, Richard Stark retrouve avec son personnage fétiche le rôle de chasseur.
Au début de l’intrigue, toutefois, Parker s’avère être, quelques courts instants, la proie. En effet, une fois de plus, un coup bien préparé se termine mal à cause d’un nouveau venu. George Uhl, au moment du partage du maigre butin récolté lors d’un braquage de banque, décide de garder la totalité du gâteau et d’éliminer ses complices. Aguerri à tous les coups bas, doté d’un instinct de survie au-dessus de la moyenne et un peu chanceux, Parker échappe au massacre. Il n’a dès lors qu’un objectif : retrouver Uhl et, surtout, l’argent qu’il a emporté.
Après une douzaine d’aventures de Parker, on constate l’existence de deux grandes structures qui prédominent dans les romans de la série. D’une part celle qui consiste en la préparation d’un braquage, son exécution puis l’arrivée du grain de sable qui amène Parker à improviser pour s’en sortir – avec l’argent de préférence. D’autre part celle qui laisse de côté la plus grande partie de la préparation (voire qui ne met même pas en place un quelconque braquage) et place très vite Parker dans une situation dans laquelle lui-même ou quelqu’un qui lui est proche ou utile se trouve être une proie ; Parker devenant alors très vite le chasseur. En dehors de ces deux grandes structures, tout le travail de Stark est dans la variation plus ou moins subtile qui permet au lecteur de se trouver en terrain connu sans toutefois voir se répéter à l’infini le même roman.
Ici, donc, la petite différence tient dans le fait que Parker se trouve en concurrence avec un deuxième chasseur qu’il a lui-même mis involontairement sur la piste de George Uhl. Cela donne une course-poursuite selon trois trajectoires avec lesquelles joue l’auteur. L’intrigue, bien ficelée, propre à jouer avec les coups de théâtre, s’avère plutôt réjouissante malgré quelques petites longueurs dans lesquelles Richard Stark veut sans doute trop montrer les motivations de chacun des personnages, y compris là où il n’y en a pas vraiment d’autre que l’appât du gain. Cela permet toutefois de nous montrer une fois de plus un Parker qui s’avère moins monolithique que ce que l’on veut bien penser. Froid, méthodique, guidé par des règles claires (on ne peut toutefois pas parler de « code de l’honneur ») auxquelles il se refuse de déroger, Parker laisse ainsi, parfois, affleurer ce qui ressemble bien à des sentiments humains : pitié, haine, désir de vengeance. La manière dont il traitera Uhl après l’avoir retrouvé est là pour nous le prouver, tout comme celle avec laquelle il s’occupera de Brock et Rosenstein qui conclut le roman de manière efficace.
Sans être un épisode majeur de la série, Un petit coup de vinaigre s’avère donc, une fois encore, être un roman de très bonne tenue dans lequel Richard Stark joue bien la partition du suspens et apporte ce petit plus qui fait que la série des Parker n’est pas, contrairement aux apparences, seulement une suite de romans de commandes mais bien une œuvre qui se construit.
Richard Stark, Un petit coup de vinaigre (The sour lemon score, 1969), Gallimard, Série Noire, 1969. Traduit par D. May.
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