Retour à la nuit, d’Éric Maneval
Enfant, Antoine a subi un grave accident et a été sauvé par un personnage étrange qui, néanmoins, lui a inspiré une grande terreur. La trentaine maintenant, il travaille comme veilleur de nuit dans un foyer social accueillant des jeunes, aux environs de Limoges. Solitaire, coupé au maximum du monde extérieur, il a réussi à se trouver un semblant d’équilibre dans ce monde de la nuit où il veille sur les jeunes pensionnaires, apaise leurs terreurs nocturnes ou discute avec eux d’une manière plus libre que les éducateurs. Mais, un soir, Antoine voit apparaitre dans une émission de télé traitant d’un fait-divers – le meurtre d’un enfant – un portrait-robot qui le replonge vingt-cinq ans en arrière.
Instiller l’angoisse. Voilà à quoi s’échine Maneval, et avec une redoutable efficacité, tout au long de ce court roman. S’il y arrive si bien, c’est sans doute parce que, malgré la concision d’un récit qui tient en moins de 120 pages, il réussit à donner chair à des personnages complexes entretenant des relations qui le sont tout autant : Antoine, la jeune Ouria fascinée, trop, par ce gardien de nuit aux cicatrices dignes de Frankenstein, mais aussi les détectives, avocats et journalistes qui vont d’une certaine manière vampiriser un Antoine qui s’est tourné vers eux.
Cette efficacité tient aussi à un sens affuté de l’ellipse et à la manière dont Maneval joue avec les différents niveaux de vérités – parce que celle d’Antoine n’est pas celle d’Ouria, de Gaëtan ou du petit Aymerich, encore moins celle de l’inconnu. C’est aussi sans doute la façon dont l’auteur réussit à créer une véritable empathie vis-à-vis d’un personnage principal qui, dans sa difficulté à s’ouvrir au monde, en vient à flirter avec les limites et que l’on voit évoluer constamment en nous demandant ce qu’il a vraiment au fond de lui.
Bref, voilà un roman fort bien mené, tout en finesse et avec une écriture élégante dans sa concision. Maneval a voulu, nous dit la quatrième de couverture, écrire un roman d’angoisse et y a incontestablement réussi. Reste au lecteur une certaine frustration due à la brièveté du texte et à une fin qui, même si elle laisse la porte ouverte à plusieurs interprétations, manque peut-être encore un peu de mystère. Mais, après tout, et en particulier dans ce type de récit, le plaisir ne vient-il pas de cette frustration ?
Éric Maneval, Retour à la nuit, Écorce, 2009.
Du même auteur sur ce blog : Rennes-le-Château, Tome sang