Réseau d’État, d’Hugues Leforestier
Alors que les élections présidentielles se profilent et que le président Marcoussy compte se présenter pour un second mandat, un homme est poursuivi par les « services ». Cet ancien trotskyste devenu mercenaire possèderait des informations susceptibles de mettre sérieusement à mal la réputation de Marcoussy.
En prenant pour prétexte à son intrigue un motif classique du roman d’espionnage, la cible surentraînée qui en sait trop, Hugues Leforestier tisse un roman qui nous entraîne du côté des premiers cercles du pouvoir, en particulier du côté de ses hommes de l’ombre que sont les conseillers des ministères et de l’Élysée. C’est l’occasion pour lui de mettre en scène ces ambitieux cyniques et retors entourant un président égocentrique mais rôdé aux manœuvres politiciennes et de les opposer à d’anciens gauchistes qui ont pris des chemins divergents.
Ce sont d’ailleurs ces portraits qui font l’intérêt du roman de Leforestier, même s’ils sont parfois inégalement brossés. Autant Bauman le conseiller occulte chargé des questions de sécurité ou même le conseiller Mariono pas encore assez blanchi sous le harnais (« Le conseiller se réveilla, d’un coup. Il réalisa que des choses lui échappaient et se demanda s’il n’avait pas été choisi pour son obéissance, plus que pour son intelligence ») se révèlent posséder une certaine aura et suscitent intérêt et interrogations, autant le chœur des anciens trotskystes souffre de ce que l’auteur semble ne pas savoir qu’en penser : sont-ce des cyniques ayant tourné le dos à leurs idéaux, des coquilles vides, ou peuvent-ils retrouver l’engagement de leur jeunesse en aidant la cible ? De fait, ils apparaissent souvent, à commencer par Auguste, celui qui va le plus s’impliquer dans l’assistance à la cible, comme des hommes qui, gagnés par la vieillesse, ont juste envie de retrouver la sensation de l’action et de la rébellion de leur jeunesse, sans préjuger d’un quelconque retour aux engagements politiques qu’ils ont reniés.
L’intrigue, ou plutôt l’action, à travers la traque de la cible, vient tenir tout cela en instillant un rythme soutenu au roman. Mais, procédant par élisions et allusions, peut-être pour éviter les incohérences ou les erreurs factuelles concernant la géopolitique ou les techniques de traques ou de combat, l’auteur se contente de livrer un canevas qui laisse bien souvent le lecteur dans l’expectative.
En fin de compte, ce roman relativement court (180 pages) et sans temps morts se laisse lire sans déplaisir, certes, mais il laisse aussi un goût d’inachevé ; l’impression que l’action se met en place au détriment des personnages et que, à l’inverse et paradoxalement, l’attention portée aux personnages parasite parfois l’action. Ce déséquilibre constant et la manière dont on reste tout le temps à la surface des choses là où le sujet se prêterait pourtant à explorer des zones d’ombres, affaibli singulièrement le propos. Incontestablement, on est bien loin, là, sur un thème proche, de la puissance et de la subtilité d’un roman comme Djemila, de Jean-François Vilar.
Hugues Leforestier, Réseau d’État, Jigal, 2012.