Quais du polar 2012 ou le théorème Connelly-Chattam-Thilliez
Bon ça y est. C’est fini. Quais du polar a fermé ses portes pour cette année et, comme de coutume, le festival a été un succès. La foule qui se pressait (littéralement) dans les allées ou à l’entrée des conférences durant ce week-end en fait foi.
On imagine bien sûr le casse-tête que peut être pour les organisateurs la gestion d’une telle densité de personnes dans un lieu qui, pour être assez vaste, n’est pas pour autant extensible. La mise en place d’un système d’urgence permettant de dégager les allées menant aux auteurs de polar a donc cette année été particulièrement travaillée, donnant lieu à ce que l’on appellera désormais le théorème Connelly-Chattam-Thilliez. Il suffisait d’y penser. D’un côté de la salle, donnant sur l’allée latérale : Michael Connelly. De l’autre côté, donnant sur l’allée latérale opposée : Maxime Chattam et Franck Thilliez (un Américain vaut deux Français, c’est bien connu et finalement assez raisonnable quand on pense que pendant la dernière guerre un Allemand valait pas loin de cinquante Français). Ainsi, dès lors qu’il devenait difficile de naviguer dans la salle en passant par l’allée centrale, il suffisait de mettre en place le dispositif. Les queues se formaient sur les côtés, libérant le passage vers Jerry Stahl, Craig Johnson, Sébastien Gendron, Deon Meyer, Barouk Salamé, Bertrand Tavernier, Larry Fondation, etc. Admirable. On a d’ailleurs pu remarquer que, pour des raisons qui nous échappent encore, Jean-Louis Debré, voisin de Maxime Chattam, vendait un peu moins de livres.
Mais outre le grand barnum des dédicaces, Quais du polar, c’est aussi une grande programmation de tables-rondes, rencontres, projections… Presque trop, dira-t-on, puisqu’il était dès lors nécessaire de faire des choix cornéliens (Une heure avec Franck Thilliez ou une table-ronde sur la violence avec Jerry Stahl, Larry Fondation, Donal Ray Pollock et Maud Tabachnik ? Une heure avec Deon Meyer ou un repas dans un bouchon ? …).
Les cafés, apéritifs et repas avec les copains et les rencontres pour de vrai avec des gens avec lesquels on échange, s’écharpe ou se taquine sur les réseaux sociaux occupant pas mal de temps, le programme fut de fait singulièrement réduit.
Samedi, ce fut donc la rencontre autour du thème de la violence. Deux écoles s’y sont affrontées. D’un côté Jerry Stahl et Larry Fondation (avec le soutien d’un Donald Ray Pollock timide et plutôt mal à l’aise dans ce genre d’exercice) mettaient en avant le fait que l’Amérique était fondée sur la violence. Une violence des individus, certes, mais qui ne reflétait au fond qu’une violence institutionnelle et collective. Le tout résumé laconiquement par Stahl : « Hitler se plairait aux États-Unis. Et, s’il faisait l’effort de perdre son accent, il pourrait faire carrière au sein du parti républicain ». De l’autre côté, Maud Tabachnik expliquant d’une manière plutôt pontifiante que la violence était avant tout le fait des individus. On a vu venir le moment où cette dernière aller traiter Stahl et Fondation de bolchéviques, mais le tacle vicieux (et réjouissant) vint de Jerry Stahl, expliquant à la tatie Danièle du thriller qu’elle pouvait elle aussi briguer un poste de sénatrice républicaine.
De violence, il en fut aussi question le dimanche avec Deon Meyer, celui-ci rappelant entre autre que si l’Afrique du Sud apparaissait aux Français comme un pays extrêmement dangereux et violent, la réciproque était valable, et que si le polar disait des choses sur le côté sombre de la société, il convenait de ne pas juger de la réalité d’un pays au seul prisme de ce genre de littérature ou des reportages à sensation.
On ressort de ce festival avec de bons souvenirs, un certain soulagement de s’extraire de la foule et des tas d’infos de première bourre : Barouk Salamé ne porte pas de cagoule en public. Jerry Stahl fait un peu peur. C.J. Box mesure un mètre cinquante à tout casser et, à cause de son chapeau, on le confond parfois avec Craig Johnson qui se dope au gaz hilarant et écrit très mal. Sherlock Holmes n’est pas mort, il fait des blagues minables (« hé, les gars, je vous achèterais bien votre revue, mais je n’ai que des billets de 25 euros ») et écrit des romans policiers qui se déroulent à Lyon. Bertrand Tavernier aurait dû réfléchir avant de sortir un livre de 60 kg (Amis américains) parce que pour les dédicaces, de toute évidence, ça lui a posé problème. Laurent Guillaume s’est fait mal au bras. Sébastien Gendron se trompe dans ses dédicaces. Jean-Louis Debré est très vieux. C'est Karim Madani qui doublait Antoine Decaunes dans Rapido. Les libraires ne sont pas mort (c’est eux qui le disent).