Prise directe, d’Eoin Colfer

Publié le par Yan

prisedirecte« Jason est le meilleur portier avec qui j’aie jamais travaillé : un mélange rare de puissance, de rapidité, et avec ça, bien plus futé qu’il ne le laisse croire. Il lui arrive d’être distrait et de citer un film de Fellini, avant de donner le change en éclatant un type sur le seuil. Il a ses secrets, comme tout le monde ».

Voilà qui donne le ton de Prise directe. Daniel McEvoy est le collègue de Jason au Slotz, le casino le plus miteux de Cloisters, New Jersey, et c’est lui qui nous raconte la drôle de semaine qu’il vient de vivre. Comme Jason, Daniel a ses secrets : une calvitie qu’il tente de traiter grâce à des implants posés par un médecin exerçant clandestinement, et une brouettée de mauvais souvenirs ramenés de ses années de casque bleu irlandais au Liban. Et pourtant, il n’est pas préparé à voir la serveuse dont il commence à être épris se prendre une balle dans la tête, ni à devoir tuer un mafieux irlandais avec une clé et encore moins à faire équipe avec une inspectrice qui a tenté de tuer sa collègue.

Eoin Colfer nous livre donc un roman noir mâtiné de cet humour à froid qui est devenu la marque de fabrique des auteurs irlandais, de Colin Bateman à Adrian McKinty, en passant par Gene Kerrigan ou Ken Bruen. Il choisit par ailleurs de miser avant tout sur une action sans temps mort et un personnage principal clairement borderline qui entend des voix et a une étonnante tendance à l’introspection jusque dans les moments les plus difficiles.

Ce choix se fait toutefois au détriment de toute intrigue crédible. Que l’on mette cela sur le compte du déséquilibre psychologique de Daniel McEvoy ou sur celui d’un choix de l’auteur qui a voulu privilégier les rebondissements et l’énergie, on ne peut que constater que cela fonctionne parfaitement pendant un peu plus de deux cents pages durant lesquelles le lecteur en vient même à oublier l’intrigue pour se contenter de rire aux mésaventures du héros et des autres bras cassés auxquels il a affaire.

Mais cette débauche d’action et d’humour tend à s’essouffler dans le dernier tiers du roman où Eoin Colfer semble tenter de s’accrocher aux branches pour tenter de trouver une issue crédible à l’intrigue qui lui a servi de prétexte pour se lancer dans l’écriture de ce livre.  Si l’humour demeure, les circonvolutions de l’action durant lesquelles Colfer tente vaille que vaille de répondre aux questions laissées en suspens depuis le début du roman (Qui a tué Connie ? Que veut donc Mike l’Irlandais à Daniel ?) finissent par ralentir le rythme d’un livre qui, après être parti tambours battants, s’essouffle quelque peu et perdent en même temps un lecteur qui a eu l’impression que le roman touchait à sa fin une centaine de pages auparavant et avait même fini par oublier qu’il y avait eu un semblant d’intrigue.

Au final, on retiendra que l’on a lu un roman original et amusant mais sans doute trop peu maîtrisé et trop long. On lira toutefois avec intérêt le prochain roman d’Eoin Colfer qui nous a révélé ici quelques qualités, notamment dans son sens des dialogues et du rythme, dont on espère qu’il saura mieux les exploiter à l’avenir.

On peut lire un avis plus enthousiaste chez l’ami Bruno, de Passion Polar.

Eoin Colfer, Prise directe (Plugged, 2011), Gallimard, Série Noire, 2012. Traduit par Antoine Chainas.

Publié dans Noir irlandais

Commenter cet article

Y
J'ai lu quelques-uns de ses livres jeunesse et me laisserais bien tenter quand même par cette "débauche d'action et d'humour"...
Répondre
Y
<br /> <br /> Fonce et on en reparle!<br /> <br /> <br /> <br />