Parjures, de Gilles Vincent
À Marseille, un groupuscule de justiciers nostalgiques de la guillotine décapite des meurtriers sortis de prison. Chargée de l’enquête, la commissaire Aïcha Sadia voit la possibilité d’avancer enfin avec l’arrivée dans son bureau d’Abdel Charif. Accusé du meurtre de sa patronne, il a toujours crié son innocence et vient d’être gracié. Et, surtout, il vient d’échapper à un enlèvement organisé par les émules de Charles Bronson. Quand en plus, il lui annonce que, si elle l’aide à prouver son innocence, il lui fournira des informations sur la disparition de Sébastien, son collègue et compagnon, Aïcha est prête à tout mettre en œuvre, quitte à dévier du droit chemin, pour parvenir à ses fins.
Parjures est un roman étonnant sous son aspect banal. Certes on l’a lu mille fois, cette histoire de justiciers, d’innocent en quête de réhabilitation et de flic rongé par la disparition de sa femme ou de son homme qui l’amène à flirter avec la ligne jaune. Même l’histoire d’Abdel, on la connaît… pas besoin de chercher midi à quatorze heures pour y reconnaître l’affaire Omar Raddad. Et toute l’habileté de Gilles Vincent tient ici dans sa capacité à se jouer du schéma habituel et des convictions du lecteur pour l’amener à chaque fois sur une voie différente de celle qui semble avoir été tracée. Les justiciers sont identifiés d’entrée de jeu et bien vite mis hors-jeu et c’est la relation ambigüe entre Aïcha et Abdel qui prend le dessus, entre la flic qui veut croire en la possibilité de retrouver son compagnon et celui qui semble à chaque fois la mener dans une impasse tout en multipliant malgré tout les preuves de son innocence.
L’intrigue est retorse et les personnages dotés d’une épaisseur et d’une complexité qui font souvent défaut au romans de ce genre. En fin de compte, si l’on excepte cette tendance – très française au demeurant – à donner dans les dialogues un peu trop emphatiques et parfois agaçants (« Toi et moi, on est comme deux chiens cabossés par la vie, tu le sais bien… Alors pour moi, cette nuit, c’était juste pour ne pas mourir. Comme si nos désespoirs s’étaient accrochés l’un à l’autre pour quelques heures »), Gilles Vincent nous propose donc un roman de bonne facture, bien mené et qui sait jouer avec les codes du genre (y compris les raccourcis assez peu crédibles mais qu’il parvient malgré tout à faire passer) et se jouer d’eux lorsqu’il le faut. Un livre qui ne révolutionnera pas le roman noir mais qui se révèle être un très honorable divertissement.
Gilles Vincent, Parjures, Édition Jigal, 2012.