Ni ce qu’ils espèrent, ni ce qu’ils croient, d’Élie Treese

Publié le par Yan

ni-ce-copie-1.pngQuelque part, dans une vallée, quatre hommes se retrouvent sur un chantier pour voler du gasoil afin de permettre au plus âgé d’entre eux, le vieil Hadès, de passer la fin de l’hiver au chaud.

Si Low semble être le chef de ce quatuor, c’est Hadès qui porte un fusil et qui a trop bu de gnôle.

Ce court roman (moins de quatre-vingts pages) apparaît comme un objet énigmatique de cette rentrée littéraire. Nous ne saurons de l’action, qui se déroule durant une seule nuit, rien de ce qui a pu se passer avant, pas plus que de ce qui se passera après. Nous voilà propulsé avec ces personnages venus de nulle part et n’allant nulle part.

Pas d’explications à attendre. Le décor est sommairement posé (une vallée, l’hiver, un chantier, quatre hommes, un fusil, du gasoil et de la gnôle) et les motivations des personnages nous sont inconnues. Qui sont Hadès, Low, Her Majesty et Maroubi, le narrateur ? Qu’est-ce qui les lie ? Nous ne trouverons pas plus de réponse à cela. Élie Treese, par contre nous laisse la tension. Une tension croissante et étouffante renforcée par une écriture qui, à travers les longues phrases du discours logorrhéique de Maroubi, exprime une certaine urgence et, toujours, cette tension, dès la première phrase :

« J’ai planté deux doigts dans la terre et j’ai sorti un peu de cette terre froide et humide et j’ai dit alors on est tous un peu comme ça, on est tous un peu comme cette terre qu’on peut prendre dans la main et serrer dans la main et écarter dans la main jusqu’à ce qu’elle tombe en morceau sur le sol et j’ai dit aussi ça ferait comme un une sorte de tas si d’un coup on se mettait tous à effriter de la terre entre nos mains, pas vrai, si on se mettait tous à écraser cette bon dieu de terre avec nos mains pour voir si on arrive à faire une chose qui sorte un peu de l’ordinaire. »

Quatre personnages donc, comme issus d’une tragédie antique, qui se tournent autour, se cherchent… jusqu’à l’explosion ?

Élie Treese a donné à son roman un titre tout droit extrait d’une citation attribuée à Héraclite : « Ce qui attend les hommes après la mort, ce n’est ni ce qu’ils espèrent ni ce qu’ils croient ». Et sans doute le lecteur plus féru de philosophie et plus calé que nous en la matière y trouvera par ailleurs des liens avec la doctrine du philosophe, en particulier en ce qui concerne la place du feu dans sa cosmologie et  sa théorie du mobilisme.

Toutefois, nul besoin pour apprécier ce roman véritablement atypique dans la forme comme dans le fond d’avoir lu tous les présocratiques. Il suffit de se laisser emporter par le flot ininterrompu des paroles de Maroubi qui finiront bien par nous mener quelque part… ou pas.

Élie Treese, Ni ce qu’ils espèrent, ni ce qu’ils croient, Allia, 2012.

Publié dans Noir français

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P
Doit-on le lire son Bailly à portée de main, comme pour La Caverne des idées?
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Y
<br /> <br /> Non, pas besoin. Comme je le dis, je suis moi-même plutôt inculte en matière de philo en général et de philosophie présocratique en particulier. Mais je pense que quelqu'un de féru en la matière<br /> y trouvera sans doute pas mal de choses. Mais on peut apprécier le style et le fond de ce roman sans ces connaissances philosophiques.<br /> <br /> <br /> <br />