Nadine Monfils vous déshabille : Le bar crade de Kaskouille
Gouy-les-Piétons, quelque part en Île-de-France. Dans ce village morne, Lucien tient un bar avec son frère attardé, Roger, tandis que leur mère paralysée suite à une attaque cérébrale végète à l’arrière du bistro, derrière un rideau. Les clients sont rares mais fidèles : Rosalie la vieille pochetronne, Marcel le boucher cocu qui vend de la viande avariée, Carmella le travesti frère de Marcel … et ils ont tous une ardoise longue comme le bras. Un soir, un étranger entre avec une mystérieuse mallette. Il a rendez-vous avec quelqu’un pour lui présenter son catalogue. Il est tueur professionnel ; il propose à ses clients de choisir la mort qu’ils désirent. La conversation s’engage entre tout ce beau monde, le temps de quelques minutes ou de quelques heures.
J’ai eu le plaisir de rencontrer Nadine Monfils au dernier Festival International du Roman Noir de Frontignan (FIRN)… une femme adorable dotée d’un humour très décalé. C’est cet humour noir, réaliste mais poétique, que j’ai retrouvé dans ce court et sombre roman édité en dans la collection Suite Noire des éditions La Branche. On se trouve dans ce bouquin quelque part entre Le Père Noël est une ordure, C’est arrivé près de chez vous et l’émission Strip-Tease. Autant dire que c’est un véritable OVNI, curieux, décalé. On rit, parfois franchement, souvent jaune, baigné dans cette ambiance glauque, dans ce troquet minable qu’on imagine bien un soir d’hiver éclairé par une ampoule de 40 watts.
C’est en tout cas une invite pour le misérable retardataire que je suis à découvrir l’œuvre de Nadine Monfils.
Extrait :
« Carmella ouvrit son sac et en sortit un collier avec de grosses perles en plastique qu’elle s’enroula autour du cou. Tout excitée, elle avoua que pour elle, ce soir était The Big Night !
-Ah ! Tu vas enfin régler ton ardoise ? s’exclama Lucien tout réjoui.
-Toujours ramener ça à des questions bassement terrestres et matérielles ! Pauvre abruti, va ! Élève-toi un peu. Apprends à toucher les nuages et à respirer le nectar céleste, la rosée des printemps à venir !
-Baudelaire ! s’écria l’étranger.
-Non, Wattwiller.
-Connais pas ! C’est un poète allemand ?
-Non, c’est une marque de flotte. J’ai entendu ça dans la pub à la télé.
L’étranger était visiblement déçu ».
Nadine Monfils, Le bar crade de Kaskouille, Éditions La Branche, collection Suite Noire, n° 30, 2009.