Mon parrain de Brooklyn, de Hesh Kestin

Publié le par Yan

mon-parrain-de-brooklyn-336660-250-400Étudiant brillant et orphelin, Russell Newhouse est aussi le secrétaire de la Bhotke Society, société yiddish de Brooklyn qui a l’avantage de bénéficier d’un carré réservé au cimetière du quartier. C’est comme cela que son chemin va croiser celui de Shushan Cats, parrain de la pègre juive de New York, qui lui confie la mission d’organiser les obsèques de sa mère. En ce mois de novembre 1963, Russell découvre donc un nouveau monde et, pris sous l’aile de Shushan, commence à fréquenter le gratin des mafias de New York. Mais quand, à quelques jours d’un procès qui pourrait l’envoyer durablement à l’ombre, Shushan disparaît, c’est à Russel que revient la mission de diriger un empire sur lequel la mafia italienne entend faire main basse.

Roman nostalgique et ironique sur un New York disparu et une pègre légendaire qui se prêtent à la caricature, Mon parrain de Brooklyn est un de ces livres qui fonctionnent sur une bonne idée qu’ils arrivent à dérouler jusqu’au bout. Ici, donc, il s’agit de catapulter un étudiant en lettre naïf mais sûr de son intelligence au milieu puis à la tête d’un empire du crime à un moment charnière de l’histoire contemporaine américaine. La guerre du Viêtnam en est à ses prémices, les manifestations en faveurs des droits civiques des noirs débutent et JFK se fait assassiner à Dallas. L’insouciance des années d’après-guerre ne s’est pas encore estompée et le New-York que présente Hesh Kestin est celui des films de gangsters, des Affranchis ou d’Il était une fois en Amérique, mâtiné d’une ambiance à la Happy Days. Bref, une ville par bien des côtés fantasmagorique, ce qui est on ne peu plus normal si l’on considère que Mon parrain de Brooklyn est avant tout un conte d’apprentissage : noir certes, mais un conte tout de même, avec un héros qui grandit en affrontant, sous le parrainage de pères et mères de substitution et d’alliés pour le moins exotiques, des ennemis aussi bêtes qu’effrayants.

Peuplé de personnages hauts en couleurs – l’étonnant Shushan Cats, gangster érudit capable de citer Churchill, Shakespeare ou Camus dans le texte, la fratrie d’Irlandais prêtre, flic et pompier, cherchant à venger l’honneur de leur sœur, le chauffeur fou de sa femme choucroutée et jaloux à mort ou encore un Jack Ruby surexcité –, porté par les considérations humoristiques de Russell sur ce monde étrange qu’il se trouve amené à fréquenter et rythmé par des dialogues tout aussi amusants et gentiment iconoclastes (l’hilarant passage dans lequel Russell explique aux gangsters noirs l’existence d’un complot juif mondial visant entre autre à choisir les couleurs des voitures et que Kennedy lui-même est juif vaut à lui seul détour), Mon parrain de Brooklyn est de ces livres qui, sans être de grands romans, vous donnent le sourire et vous font passer des moments de lectures des plus agréables. Tout juste regrettera-t-on un certain essoufflement dans la dernière partie après un départ en fanfare, mais surtout, on appréciera ce conte plutôt gentil où les mafieux meurent finalement peu et où la seule mort violente est celle de Kennedy qui nous entraîne dans un New York fantasmé au milieu d’une pègre de comédie.

 « Vous n’êtes pas un fan de Kennedy, c’est ça ?

– Un mec à la con, dit Shushan. Un président à la con. Il laisse les gens de couleur se faire tabasser quand ils essaient d’acheter un sandwich au thon à une buvette en Alabama, et à la place il persécute Fidel Castro. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Le mec passe son temps à baiser des starlettes, à baiser toutes les femmes qu’il croise. Tu penses qu’il à le temps d’être président ? » 

Hesh Kestin, Mon parrain de Brooklyn (The Iron Will of Shoeshine Cats, 2012), Seuils Policiers, 2013. Traduit par Samuel Todd.

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C
Bonjour Yan. Oui, ce roman est une très bonne surprise, car on s'attend à une histoire plus "classique" sur la mafia. On espère d'autres bons titres de cet auteur. Amitiés.
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Y
<br /> <br /> Bonjour Claude. Le développement est en effet inattendu et surprenant. Un plaisir.<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
C
Yes, un bien bon roman… j'irai un poil au dessus de toi si on devait noter...
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Y
<br /> <br /> Ça se discute en effet. J'ai trouvé qu'il y avait un vrai coup de mou à la fin, mais ça ne m'a pas empêcher de me bidonner quelques heures durant. Ce qui est sûr, c'est que je ne louperai pas son<br /> prochain bouquin.<br /> <br /> <br /> <br />