Méfaits divers, d’Hubert Prolongeau
Passons vite sur le titre sous forme de mot-valise qui ne rend pas forcément justice au livre pour nous intéresser à ce dont il parle. Journaliste et essayiste en plus d’être romancier, Hubert Prolongeau, par le biais de cinq nouvelles tente apparemment de concilier ses trois activités. Cinq nouvelles tirées de cinq faits-divers qui ont défrayé la chronique dans, en gros, la dernière décennie et même un peu avant. On y reconnaîtra sans peine cette jeune fille faisant croire qu’elle a été victime d’une agression antisémite dans le RER, ce prêtre intégriste envoyant à la mort les jeunes dont il a la responsabilité pendant un camp de vacances ou encore cette vague de suicides chez un constructeur automobile.
Mais très vite Prolongeau quitte sa casquette de journaliste pour prendre celle de romancier et se laisser aller à des variations autour de ces cinq affaires. Point de départ ou d’arrivée, le fait divers réel dont est tiré chacune des nouvelles n’en est jamais vraiment le cœur. Il est l’occasion pour Prolongeau de laisser dériver son imagination pour mettre l’humain au centre de son histoire : victime ou coupable, réel ou de fiction, c’est toujours un homme ou une femme qui se trouve au cœur de chacune de ces variations. Et Prolongeau, au passage, d’user de son regard de journaliste et d’essayiste pour sonder à travers ces faits divers une société dont il dresse un portrait peu flatteur, obsédée par le paraître plus que par l’être, sacrifiant la personne sur l’autel de la performance, peuplée d’ombres à la recherche d’un peu d’attention ou de reconnaissance mais destinées à ne connaître l’une ou l’autre que de manière fugace ou tragique.
D’aucuns reprocheront peut-être à Hubert Prolongeau de se montrer parfois un peu caricatural mais, en fin de compte, on pourra se demander si la caricature n’est pas avant tout présente dans ce que nous offre à voir notre société à travers le prisme de ces faits divers dont on nous abreuve, que l’on guette avec un plaisir coupable et qui, de plus en plus, jouent même un rôle politique à travers la manière dont ils sont utilisés. Ce que nous montre Prolongeau, c’est que derrière la dictature du fait divers comme instrument médiatico-politique, il y a aussi et surtout des êtres humains et des tragédies, grandes ou petites, qui disent quelque chose du monde dans lequel nous vivons.
Hubert Prolongeau, Méfaits divers, Rivages/Noir, 2013.