Martini shoot, de F.G. Haghenbeck
Sunny Pascal, détective à Los Angeles est engagé pour assurer la sécurité sur le plateau de La nuit de l’iguane à Puerto Vallarta. Confronté à un John Huston irascible, une Ava Gardner inaccessible mais chaude comme la braise, une jeune Sue Lyon découvrant sexe et drogue et chaperonnée par une opiomane, un Richard Burton aussi alcoolique que lui et une Liz Taylor à l’attitude de lionne, Sunny Pascal pourrait malgré tout assurer tranquillement son job tout en sirotant des cocktails à longueur de journée sur le plateau de tournage, n’était la propension de certains à utiliser les flingues plaqués or que le réalisateur à offert à ses acteurs pour le cas où ils auraient décidé de s’entretuer.
Hommage assumé à Chandler et aux personnages de détectives hard boiled, le roman du mexicain F.G. Haghenbeck mettant en scène un Sunny Pascal alcoolique, passant une partie de son temps à se faire tabasser et pris dans un panier de crabes où se mêlent egos surdimensionnés et magouilles immobilières, est une œuvre légère et agréable.
S’il ne se distingue pas par la qualité de son écriture – sans pour autant que celle-ci soit mauvaise, juste banale – Haghenbeck s’y entend en tout cas pour reconstituer l’atmosphère moite et alcoolisée de ce tournage mythique et l’ambiance insouciante de ce début des sixties. Et derrière la légèreté l’on imagine le gros travail de documentation de l’auteur sur le Puerto Vallarta de l’époque, le tournage épique de La nuit de l’iguane… et les cocktails, puisque chaque chapitre s’ouvre sur la recette d’un cocktail mythique et l’histoire – ou la légende – de son invention. Si le procédé peut sembler superficiel – et il l’est un peu – il n’en demeure pas moins qu’il participe vraiment de l’ambiance du roman tout en éclairant la personnalité de Sunny Pascal, tant on imagine, dans ce roman à la première personne dont le détective alcoolique est le narrateur, que c’est aussi lui qui nous livre ces recettes.
Ensoleillé, langoureux malgré ses multiples rebondissements, et jouant sur la fascination que peut exercer la conjugaison d’une plage de rêve et d’un film mythique, Martini shoot, se révèle être un roman plaisant, du genre à lire au bord de la plage ou près d’un bar à cocktails. Sans prétention, court (moins de 200 pages), il remplit idéalement sa fonction de divertissement et de dépaysement.
« (…) Mais ça, c’est moi. Pas le film, qui me semblait ennuyeux. Beaucoup de dialogues et aucune course-poursuite. Quand j’ai rencontré Tennessee Williams, j’ai tout de suite su que je ne devais rien attendre d’un auteur vêtu de rose pâle et flanqué d’un toutou à rubans rouges.
Mon boulot sur le plateau consistait plus ou moins à ne rien faire. Le barman me servait, et je consommais mes boissons calmement, au bar. »
F.G. Haghenbeck, Martini Shoot (Trago Amaro, 2006), Denoël, 2011. Rééd. Folio Policier, 2013. Traduit par Juliette Ponce.
Du même auteur sur ce blog : L'affaire Tequila ;