Le zoo de Mengele, de Gert Nygårdshaug
Grand succès dans son pays d’origine, la Norvège à sa sortie en 1989, Le zoo de Mengele avait certainement alors bénéficié de la grande campagne menée alors par le chef Raoni avec le soutien notamment de Sting et d’Amnesty International. Campagne de communication contre la déforestation en Amazonie qui avait eu un énorme écho dans les pays occidentaux. Car, contrairement à ce que pourrait laisser supposer le titre, il n’est pas question ici de nazisme mais d’écologie et même de ceux que l’on qualifie d’ecowarriors.
Le zoo de Mengele, donc, c’est l’histoire de Mino Aquiles Portoguesa, enfant de la jungle amazonienne qui voit sa famille et la population de son village sous la coupe de l’armée au service d’une multinationale américaine du pétrole exterminés. Dès lors, Mino se promet de se venger et de protéger à tout prix la forêt amazonienne. Cela veut dire tuer tous ceux qu’il juge responsables et, s’il le faut, tous ceux qui pourraient représenter un obstacle à ses projets.
Affublé dès le départ des attributs d’un conte, le roman de Gert Nygårdshaug baigne dans une ambiance hors du temps ; un onirisme noir qui permet à l’auteur de se détacher quelque peu d’une réalité bien plus complexe d’un côté, et de faire avancer son histoire en s’affranchissant de le contrainte de la crédibilité des événements de l’autre. On verra donc Mino s’en tirer grâce à des plantes aux pouvoirs presque magiques, découvrir des trésors ou pénétrer dans des lieux impossibles d’accès sans que cela ne paraisse illogique puisque l’on aura tacitement accepté le fait que nous nous trouvons face à un conte.
Et comme tout conte, Le zoo de Mengele revendique une valeur édificatrice en posant toutefois une interrogation complexe. Devenu un tueur sans états d’âmes, Mino est aussi héros et il est indéniable que le lecteur s’y attache. Se pose alors bien entendu la question de la légitimité du terrorisme que, par bien des aspects, semble soutenir l’auteur. Dès lors, le lecteur qui se détache un peu du côté purement sentimental que le conte vient renforcer peut éprouver un certain malaise dont on peut se demander à raison si l’auteur l’a volontairement instillé ou s’il revendique le bien-fondé des actes de son héros.
Ambigu, donc, mais néanmoins prenant grâce à une succession de péripéties qui accrochent incontestablement le lecteur, ce roman qui malgré son âge évoque des faits et pose des questions qui trouvent encore un écho actuellement, est une curiosité qui, si elle ne brille pas par le style, très basique, mérite d’être connue. Son édition est donc la bienvenue et l’on ne peut qu’encourager les lecteurs intéressés par les questions de terrorisme et d’écologie de se pencher dessus.
Gert Nygårdshaug, Le zoo de Mengele (Mengele Zoo, 1989), J’ai lu, 2014. Traduit par Hélène Hervieu et Magny Telnes-Tan.