Le voyage de Robey Childs, Robert Olmstead
Robey Childs, quatorze ans, vit avec sa mère dans la ferme familiale pendant que son père est parti combattre avec les Confédérés. En ce jour de mai 1863, la mère de Robey a appris la mort du Lieutenant Général Thomas « Stonewall » Jackson aux ordres duquel son mari combat. Une mort qui, pour elle, annonce la fin de la guerre ; c’est pourquoi elle confie à Robey la mission d’aller chercher son père et de le ramener à la maison avant la fin du mois de juillet. Avant les moissons. Vêtu d’une veste réversible dotée d’un côté gris confédéré et d’un côté bleu de l’Union, montant une vieille rosse avant qu’un voisin lui donne un étonnant cheval noir charbon, Robey Childs débute alors un périple qui va l’amener à connaître intimement la nature humaine et en particulier ses aspects les plus sombres.
Le voyage de Robey Childs est évidemment un roman sur l’horreur et l’absurdité de la guerre – « Il se dit que si tous ces hommes étaient morts en combattant la guerre, c’était donc que la guerre était en train de gagner » – et surtout de cette guerre civile qui, un siècle et demi après, continue de hanter la mémoire américaine, et constitue la première tuerie à grande échelle de l’ère industrielle :
« On pouvait trouver là, éparpillé sur ces quelques centaines d’hectares, tout ce qui constitue un être humain, à l’intérieur comme à l’extérieur. Il y avait assez de membres et d’organes, de têtes et de mains, de côtes et de pieds pour raccommoder corps après corps – il ne manquait que le fil et l’aiguille. Et une couturière céleste. »
Mais Le voyage de Robey Childs est avant tout un roman, ou plutôt un conte tant on a souvent la sensation de flotter dans un monde onirique, initiatique. C’est plus à la recherche de l’homme qu’il va devenir que de son père que part Robey Childs. Et de sa ferme de Virginie au champ de bataille de Gettysburg, croisant en route bandes de francs tireurs, civils en déroute ou ce petit homme portant le scalp d’une vieille dame, véritable créature issue d’un conte des frères Grimm, le jeune homme apprend autant sur les autres que sur lui-même, sur la véritable nature du courage, sur la lâcheté, grande ou petite, qu’elle soit sienne ou d’autrui.
Parfois naïf mais d’une grande puissance d’évocation, le roman de Robert Olmstead se révèle être un fort beau livre dans lequel la fureur et le sang, s’ils plongent le héros dans l’horreur et le mènent à se confronter à ce qu’il y a de pire dans la nature humaine, ne parviennent pas a annihiler la part d’humanité qui subsiste chez la plupart des hommes et femmes que croise Robey, et encore moins celle de Robey lui-même qui, peut-être, donnera naissance au bout du compte à un homme nouveau.
Robert Olmstead, Le voyage de Robey Childs (Coal Black Horse, 2007), Gallmeister, 2014. Traduit par François Happe.