Le trésor fantôme, de Paco Ignacio Taibo II
C’est à une période particulièrement complexe de l’histoire de son pays que s’attaque dans Le trésor fantôme, Paco Taibo. L’expédition du Mexique, menée entre 1861 et 1867 par Napoléon III qui voulait installer Maximilien de Habsbourg sur le trône du Mexique avec l’aide de conservateurs mexicains opposés à Benito Juárez, tient en effet autant de la guerre coloniale que de la guerre civile et chacun des deux camps voit en son sein s’affronter différentes factions.
Et donc, c’est dans ce contexte que Taibo lance ses personnages, réels ou fictifs sur les traces de ce trésor fantôme dont, longtemps, on se demandera ce qu’il est (sceau de la nation, or, tableaux…) et, en effet, s’il est tout simplement réel. Pour faire la lumière sur cette affaire, il dresse toute une galerie de portraits – généraux-poètes, chroniqueurs, aventuriers, mercenaires, indiens, peones investis d’une mission d’ordre patriotique… – et autant de récits qui se répondent, entrent en résonnance, s’entrecroisent ou s’enchevêtrent. Ce faisant, Paco Ignacio Taibo II nous détaille cette période de l’histoire vue du côté des libéraux mexicains et construit une ode aux idéaux portées par sa nation à sa naissance (ou plutôt à l’une de ses naissances).
Il s’agit là d’une œuvre ambitieuse tant dans son objet que dans sa structure qui voit donc se succéder sans répit les points de vue en essayant de conjuguer la fiction et les faits historiques et même les écrits historiques, puisque Taibo réemploi dans son récit les textes de l’un de ses personnages réels, le chroniqueur Guillermo Prieto en les mêlant à sa propre prose où il imite le style de Prieto.
Mais si l’on ne peut que s’incliner devant le travail engagé par l’auteur, il n’en demeure pas moins que le lecteur à bien du mal à s’y retrouver. De fait, les allers-retours entre les personnages parfois protéiformes et les multiples détails livrés sur le déroulement de la guerre qui voient s’accumuler les détails, les noms de villes ou de personnes que l’on ne croisera plus, ont tôt fait de nous égarer, en particulier dans les deux premières parties du roman, ce qui nous mène, tout de même, aux alentours de la page 300.
Et l’on reprendra là les mots de Paco Ignacio Taibo II dans un entretien accordé à la revue 813 dans son numéro 112 : « Je ne fais pas de fiction quand je fais de l’Histoire, je fais de l’Histoire. Mais l’Histoire, encore faut-il la raconter. Le problème survient lorsqu’un historien est un mauvais narrateur : même s’il a réalisé une investigation rigoureuse, de très haut niveau, elle sera gâchée. Or, si l’Histoire est mal racontée, tu n’arrives pas à transmettre l’information, tu la perds ». Il faut croire que les choses ne sont pas aussi simples que cela. D’évidence, Taibo a réalisé une investigation rigoureuse et, indéniablement, il est aussi un excellent narrateur. Pourtant, la sauce ne prend pas.
On ne pourra pas dire pour autant que l’on n’était pas prévenu : le trésor fantôme du titre est bel bien fantomatique et demeure une quête finalement annexe qui apparait en filigrane durant une grande partie du roman avant de revenir, si ce n’est au premier plan, au moins au centre de l’intrigue dans la seconde moitié du récit, plus enlevée.
Finalement, donc, on ne sait plus trop ce que l’on a lu. Un condensé d’histoire mexicaine pour lequel on manquait de connaissances de bases qui nous auraient permis de mieux saisir certains passages ? Un tortueux roman d’aventures auquel on n’a pas tout compris faute d’avoir réussit à bien discerner les lieux et les personnages ? On ressort de cette lecture un brin déçu et désorienté avec l’impression d’être passé à côté de quelque chose, d’un lieu où Taibo n’a pas réussi à nous mener.
Paco Igniacio Taibo II, Le trésor fantôme (La Lejanía del tesoro, 1992), Rivages/Thriller, 1999. Rééd. Rivages/Noir, 2003. Traduit par Mara Hernandez et René Solis.