Le chasseur de lucioles, de Janis Otsiemi
Cantonné jusqu’à présent à l’Afrique du Sud, avec Deon Meyer, Louis-Ferdinand Despreez ou Wessel Ebersohn, je découvre un autre genre de roman africain avec Janis Otsiemi, au Gabon cette fois.
Ce sont des semaines mouvementées qui s’ouvrent à Libreville avec le meurtre d’un homme, abattu sur une plage, le braquage d’un fourgon de transport de fonds et, surtout, les meurtres de prostituées affreusement mutilées qui semblent être l’œuvre d’un tueur en série. Dans une ville où la rumeur court très vite et où les policiers sont partagés entre leur devoir et la possibilité de toucher des pots de vin conséquents, les enquêtes peuvent s’avérer difficiles à mener.
Le chasseur de lucioles n’est ni un thriller (il nous épargne les scènes gratuitement violentes et ne fait pas monter la tension), ni un whodunit (on sait dès le départ qui sont tous les coupables), et à peine un roman de procédure (parce que, comme le rappelle l’un des protagoniste « On n’est pas à New York », et que plus que de procédure, on parle ici de tâtonnements, de s’en remettre en partie au hasard et, surtout, aux indicateurs). C’est plus un roman d’ambiance et un roman en quelque sorte social, que Janis Otsiemi écrit.
Il a pour le lecteur français ignorant de la réalité quotidienne africaine un certain exotisme accentué par l’usage d’une langue imagée et agréable dont la curiosité est renforcée par la présence en ouverture de chaque chapitre d’un proverbe africain. Sous le couvert du polar, on découvre la chair de ces maux qui touchent l’Afrique et que l’on connait souvent de manière théorique par le biais des journaux ou de la télévision : chômage, corruption, immigration transfrontalière poussée par la misère, pandémie de SIDA…
Le voyage est certes instructif mais, à développer deux grandes intrigues sans lien l’une avec l’autre (le braquage et le tueur en série), tend parfois à s’éparpiller et à rester en surface là où, peut-être (c’est mon cas), le lecteur curieux aurait aimé voir approfondis certains aspects sociétaux mais aussi certains personnages dont il a parfois du mal à saisir complètement les motivations.
Ces limites posées, il faut bien dire qu’Otsiemi installe en tout cas une ambiance moite et grise saupoudrée d’une ironie piquante quand elle n’est pas carrément mordante (ce qui empêche le développement de tout discours lénifiant) et propose au lecteur un voyage dépaysant et instructif. Un voyage dans un pays et dans une langue. Un plutôt beau voyage au final.
Janis Otsiemi, Le chasseur de lucioles, Jigal, 2012.