La vie de ma mère ! de Thierry Jonquet

Publié le par Yan

la vie de ma mèreKévin, 12 ans, vient d’entrer au collège, en Section d’Éducation Spécialisée, là où atterrissent ceux que le système considère comme inaptes à la poursuite d’études normales. Et Kévin raconte, à sa manière, les derniers mois. Son arrivée au collège, la drôle d’organisation de la SES, cette classe de « gogols » coupée des autres et dirigée par des enseignants, comme mademoiselle Dambre, plein de bonne volonté mais dépassés, la rencontre avec une bande spécialisée dans divers larcins, sa mère pleine d’amour mais absente pour pouvoir nourrir la famille, et ses premiers émois vis-à-vis d’une gamine de son âge mais d’un niveau social plus élevé à qui il est plutôt mal vu d’offrir une vidéo de Terminator pour son anniversaire.

Racontée à la première personne avec ce que cela entraîne de subjectivité et d’innocence par Kévin lui-même, cette histoire oscillant entre comique et noirceur de plus en plus prégnante au fur et à mesure que l’on avance dans le récit dresse un portrait sévère de l’institution scolaire et de son incapacité à réellement bousculer les barrières sociales. Constat qui, vingt ans après, est encore valable, si ce n’est que dans la novlangue de l’éducation nationale les SES sont devenues des SEGPA. Pour autant, en donnant la parole à Kévin, en jouant de sa relative candeur, Jonquet réussit à faire passer son message sans se montrer lénifiant, avec humour et tendresse. On peut d’ailleurs saluer, même s’il a aujourd’hui pris un coup de vieux, l’emploi d’un argot qui sonne rarement faux et qui permet à l’auteur de s’effacer derrière son narrateur.

Mais si l’humour, le comique de situation et les quiproquos est omniprésent, Thierry Jonquet sait aussi exploiter la veine noire et à faire basculer le récit de la chronique adolescente candide vers le fait divers glauque jusqu’à un dénouement particulièrement violent où l’innocence du jeune narrateur se fait bien plus trouble et troublante.

Court roman qui va à l’essentiel et use de l’humour pour capter le lecteur et mieux faire passer sa critique sociale – à l’image de ce que Jonquet a pu faire concernant le sort des personnes âgées en maison de retraite avec Le bal des débris La vie de ma mère !, malgré une forme un peu désuète par la faute d’un argot qui évolue bien vite et apparaît aujourd’hui bien exotique, se révèle efficace et, surtout, un bien agréable moment de lecture.

Merci à Hélène pour le prêt du roman.

Thierry Jonquet, La vie de ma mère !, Gallimard, Série Noire, 1994. Rééd. Folio, 2001.

Du même auteur sur ce blog :  Mygale ; Le bal des débris .

Publié dans Noir français

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