La femme d’un homme qui, de Nick Barlay
Ça commence par un fait divers presque banal ; un homme retrouvé mort dans une chambre d’hôtel en Allemagne des suites d’une asphyxie auto-érotique trop poussée. La scène est décrite avec distance et même un soupçon d’humour qui met en avant le caractère quelque peu ridicule de la situation.
La connivence amusée avec le lecteur cesse pourtant bien vite avec le passage à un autre angle de vue. De la troisième personne, on passe à la deuxième, et l’on rencontre Joy, la si mal nommée. La veuve qui connaissait si peu son mari :
« Le 11 novembre tu survoles l’Europe, à destination de la scène de la mort. Tu n’es pas encore tout à fait remise, c’est ce que tu te dis, même des mois après avoir quitté le service, un peu déphasée, en arrêt maladie, tombée des nues, bredouillant tes pensées comme si tu étais accompagnée d’un double, un double au-dessus de toi, ou à côté de toi, ou derrière toi, qui regardes le cours de ta vie, te regarde boire et t’enivrer, manger et vomir, sans jamais perdre pied, coupée de l’alcool, de la nourriture, et de la mort d’un mari à peine connu. Il était à peine connu. Pourtant, tu le trouvais parfait avant d’apprendre les circonstances de sa mort. Comment tout ça est-il possible ? »
Joy va chercher la réponse. Partir sur les traces de cet époux qu’elle ne connaissait pas et qui semblait mener une double vie sur les routes d’Europe du Nord. Ce faisant, elle part aussi à la recherche d’elle-même et c’est dans son esprit et son corps torturés que nous plonge Nick Barlay par le biais de cette narration à la deuxième personne, ce « tu » qui implique le lecteur et fait de lui le narrateur interne. Et de s’apercevoir de la violente indécision qui sourd des pensées de Joy. Elle veut savoir mais n’en a aucune envie. Savoir pourquoi lui. Savoir pourquoi elle. Et de vivre avec Joy cette chute lente au sein d’elle-même.
Roman noir, très noir, drame psychologique puissant, La femme d’un homme qui qui nous prend littéralement en otages. C’est un livre qui se mérite, une lecture dont on souffrirait presque physiquement.
Cela peut être une expérience vraiment à part, enrichissante, ou valoir un rejet quasi-immédiat. Peut-être d’ailleurs que si je ne m’étais pas senti le devoir de lire ce roman que son éditeur m’avait fait parvenir, je n’aurais pas dépassé le premier chapitre. Je me suis accroché et ne le regrette finalement pas.
La femme d’un homme qui est un livre courageux et vraiment unique d’un auteur au style, c’est le moins que l’on puisse dire, original. Cela vaut que l’on s’y attarde.
Un autre avis dans une belle chronique atypique chez Soleil Vert.
Nick Barlay, La femme d’un homme qui, Quidam Éditeur, 2011. Traduit par Françoise Marel.