L’homme qui marchait sur la lune, de Howard McCord
Étrange roman que cet Homme qui marchait sur la lune. Court (moins de 150 pages), tendu mais parsemé de longues digressions qui ont cependant tout à voir avec l’intrigue, sec mais étrangement poétique, huis clos dans les grands espaces… bref, un bouquin vraiment singulier.
William Gasper à cinquante ans. Du moins est-ce ce qu’il dit et nous n’avons aucune raison de ne pas le croire. Il aime marcher. C’est un fait. Il arpente à longueur d’année une montagne isolée du Nevada que l’on appelle la Lune (ce qui laisse présager du paysage qui s’offre au randonneur), ne rentrant à sa tente plantée derrière une station-service, près d’un container qu’il loue pour y ranger ses quelques possessions, qu’une poignée de fois dans l’année. William Gasper affirme posséder une connaissance profonde de la nature et même être doté d’une certaine préscience lui permettant d’anticiper les intempéries ou l’arrivée d’un autre être humain dans le secteur. Il affirme aussi être un tueur professionnel. Nous n’avons aucune preuve du contraire. Alors qu’il marche, il se sent suivi. Sans doute est-ce celle qu’il appelle Cerridwen, sorte d’incarnation de la mort, qui cherche à l’éliminer avec l’aide du chat Palug, son serviteur, qui prend l’apparence d’un homme. William Gasper semble penser qu’il est sain d’esprit. Il est permis d’en douter. Mais…
Difficile donc de résumer cette histoire qui pourrait être simple mais que les circonvolutions des pensées de William Gasper recouvrent d’un voile d’irréalité et de complexité. L’homme qui marchait sur la lune est de ces livres que, une fois que vous vous êtes pris au jeu de l’auteur, vous n’arrivez pas à lâcher sans vraiment savoir pourquoi. Cette sorte de balade hypnotique dans une montagne qui, bien que sise au milieu d’un immense désert, devient presque un espace clos tant elle finit par prendre place à l’intérieur même de Gasper, fascine. Et, en fin de compte, après un dénouement à moitié attendu mais qui reste lui-aussi étonnant et plus complexe que ce qu’il paraît, on se surprend à se demander si l’on ressent une satisfaction à avoir lu ce livre ou un soulagement de l’avoir terminé.
Mais il n’est justement pas terminé et continue de vous suivre pendant quelques jours – ou plus, allez savoir – le temps de se décanter et de faire son chemin en vous. Le fait est donc qu’il porte en lui une puissance certaine. Un livre « physique » donc, qui vous secoue un peu et vous pousse à réfléchir et à dépasser les simplistes et définitifs avis : « j’aime »/ « j’aime pas ». Un livre qu’on peut aimer sans l’avoir vraiment aimé. À moins que l’on n’aime pas l’avoir aimé. Sans aucun doute une réussite dans son genre.
Howard McCord, L’homme qui marchait sur la lune (The Man Who Walked to the Moon, 1997), Gallmeister, 2008. Rééd. Galmeister, coll. Totem, 2011. Traduit par Jacques Mailhos.