L’année du rat, de Régis Descott
Dans un avenir proche, une famille est assassinée dans une ferme normande. Policier d’élite de la Brigade de Recherche et Traque de la zone européenne sise dans la Mégapole parisienne, le lieutenant Chim’ est chargé de l’enquête. Dans un monde encore secoué après le Troisième Conflit et obsédé par la pureté et le rêve de la jeunesse éternelle mais où les multinationales de la génétique sont toutes puissantes, Chim’ découvre que les auteurs du massacre pourraient être des mutants dont l’ADN serait en partie constitué de gènes de rats.
Roman d’anticipation plutôt ambitieux et bien fichu, L’année du rat, passé un début qui peut apparaître un peu poussif durant quelques dizaines de pages, se révèle vite prenant. Jouant avec les codes des genres qu’il a décidé d’utiliser, dystopie et thriller, Régis Descott sait attraper son lecteur grâce à une écriture simple mais efficace et à une manière, sans avoir l’air d’y toucher, de semer des indices laissant entendre que les archétypes utilisés (le flic ravagé par une histoire d’amour qui s’est mal terminée, le chef brutal et ambigu…) seront à un moment ou un autre détournés ou poussé dans leurs retranchements. Bref, que l’on va voir ce que l’on va voir et que l’on sera surpris.
La mission est d’ailleurs en partie accomplie, avec en effet quelques surprises de taille et d’autres pistes qui s’éventent peut-être un peu trop vite.
De la même manière Descott plante particulièrement bien son décor sombre, donne chair à cette mégapole écrasé par l’obscurité et le brouillard et tristement crédible, et crée un contexte bien agencé au travers duquel il dénonce les travers de notre société et pointe la manière dont ils pourraient changer le monde – généralement pas en bien : intégrisme religieux, culte du corps et recherche de le jeunesse éternelle, esthétique de la violence… Tout cela est si bien fait que l’on en vient à se demander si ce décor est là pour donner une base solide à l’action du thriller mené par l’auteur, auquel cas le roman est incontestablement réussit, ou si, à l’inverse, le thriller n’est là que pour mettre en relief cette dénonciation, et alors la démonstration manque sans doute de profondeur.
Ces petites réserves émises, on peut toutefois se réjouir de découvrir – avec retard, certes – un auteur français de thriller capable de sobriété dans l’écriture et d’intelligence dans le propos. C’est assez rare pour être signalé et cela réserve un vrai bon moment de lecture.
Régis Descott, L’année du rat, J.C. Lattès, 2011. Rééd. Le Livre de Poche, 2012.