L’ami du défunt, d’Andreï Kourkov
Dans une Kiev post-soviétique où le capitalisme sauvage est loin de profiter à tous, Tolia est au chômage et n’aime plus son épouse infidèle. Tolia n’est plus rien et voudrait devenir quelqu’un. Pour cela, pour faire croire qu’il a pu avoir un brin d’importance et une part de mystère, il décide d’engager un tueur à gages chargé de l’éliminer. Mais, un de ses derniers jours annoncés de désespérance, Tolia croit rencontrer l’amour. Dès lors, comment faire machine arrière sans perdre la face ?
Un homme, un tueur, des femmes et pas mal de vodka et de patates. Voilà à quoi tient ce roman d’Andreï Kourkov. Et cela est amplement suffisant pour en faire un bon roman. Sans grands artifices, à l’aide d’un quotidien morne dans lequel un homme finit par apercevoir une étincelle, l’auteur entraîne le lecteur dans le sillage d’un Tolia qui a cessé de chercher un sens à la vie mais qui trouve malgré tout une raison de s’y accrocher après avoir voulu l’abandonner.
C’est finalement à une sorte de poésie du quotidien et de la grisaille émaillée de subtiles touches d’humour que nous confronte Kourkov. Plus léger que le sujet peut le laisser supposer, L’ami du défunt est un court roman (125 pages) ironique et sombre comme cet hiver ukrainien dans lequel évolue un Tolia vaguement apathique et attentiste qui, de fait, ne fait que saisir les occasions lorsqu’elles se présentent, avec plus ou moins de bonheur. Voilà qui en dit peut-être plus sur une société que bien des pavés.
Andreï Kourkov, L’ami du défunt (Milyï drug, tovarichtch pokoïnika, 1996), Liana Levi, coll. Piccolo, 2012.