J’ai fait comme elle a dit, de Pascal Thiriet
Road-movie européen, de Paris à Venise en passant par Bruges et Zurich, J’ai fait comme elle a dit met en scène, à la première personne, Pierre, « agent immobilier » d’un genre particulier puisque son travail consiste avant tout à expulser par la menace ou la violence des personnes susceptibles de gêner l’installation d’autres personnes. Mais, sous cette rugueuse couverture professionnelle, Pierre garde une âme d’enfant – un peu pervers, certes – et reste attaché à Sahaa, sa copine de toujours dont il satisfait, en bonne dame de compagnie, tous les caprices. Or, Sahaa est devenue, après une aventure avec un vieux physicien, une clé biotechnologique susceptible d’ouvrir un coffre-fort très convoité. Poussés à fuir pour échapper à une équipe de tueurs, Pierre et Sahaa entament un tour d’Europe sanglant et complètement déjanté.
Le lecteur régulier de ce blog sait déjà à quel point Tim Dorsey est ici considéré comme ce qui peut le plus se rapprocher de Dieu. Aussi, après avoir vu le nom de Dorsey associé à celui de Thiriet dans une chronique du Vent Sombre (fut-ce pour dire que Thiriet n’a pas la même dextérité que le floridien), il était urgent de jeter un œil à J’ai fait comme elle a dit.
Convenons-en d’abord : on est en effet encore assez loin de Tim Dorsey, dans le rythme comme dans la folie. Ceci dit, Pascal Thiriet livre un roman assez détonnant et d’une salutaire légèreté. L’intrigue est sommaire et assez peu crédible, mais a l’avantage de laisser l’occasion à l’auteur de lâcher la bride à ses personnages qu’il embringue dans des situations complètement rocambolesques bourrées de quiproquos, de bons mots, de portraits caustiques de personnages caricaturaux, le tout donnant l’impression de se balader au milieu d’un cartoon réalisé par un dessinateur défoncé à la meth.
On tourne donc les pages avec plaisir, on rigole, on s’agace un peu face à Pierre et Sahaa, et c’est peut-être là un des défauts de ce roman ; la difficulté que l’on peut avoir à réellement s’attacher aux héros là où Dorsey rend séduisant un psychopathe totalement incontrôlable. On ajoutera à cela l’impression que, emporté par son joyeux délire, Thiriet a parfois tendance à rajouter le bon mot où la situation déjantée de trop qui nous fait frôler l’indigestion. Il y a là une question de rythme et de dosage à trouver, mais il demeure que ce premier roman se révèle extrêmement rafraîchissant et permet de passer un moment des plus agréables. Et l’on se dit que si cet auteur décide de persister sur cette voie-là, on aura grand plaisir à le retrouver.
Pascal Thiriet, J’ai fait comme elle a dit, Jigal, 2013.