Haïti Noir
Ça n’est pas une ville qui est au centre du nouveau recueil de la série des « villes noires » des éditions Asphalte, mais tout un pays. Pourtant, s’il est vrai que, il y a de cela quelques mois, on avait l’impression d’avoir affaire à un pays et même un continent avec le recueil consacré à Delhi, on a tôt fait de réduire Haïti à une ville tant la cohérence qui existe entre les nouvelles et la récurrence d’un certain nombre de thèmes donne vraiment l’impression de naviguer dans un espace relativement restreint.
De fait, on peut louer le travail fait par Edwige Danticat, chargée de rassembler les dix-huit nouvelles de ce recueil. Elle a en effet réussit à créer une véritable alchimie et cohérence entre des auteurs issus de milieux et ayant des parcours et des expériences fort différents. On voit ainsi des nouvelles se répondre, résonner ou offrir des angles de vue divers sur des sujets éminemment noirs : le business de la sécurité et des kidnappings, la condition des restavèks, ces enfants confiés à d’autres familles chargées de leur donner une éducation en échange de travaux divers, les croyances populaires ou encore le séisme de janvier 2010.
Et si, comme c’est souvent la règle du jeu dans ce genre d’anthologie, certaines nouvelles émergent plus que d’autres – on pense notamment à ce « Doigt » et à cette « Auberge du paradis » qui flirtent avec le fantastique et brouillent les frontières entre la réalité objective et les croyances locales, à l’émouvante « Laquelle des deux ? » ou encore la tragique « Rosanna » – Haïti Noir offre une vision qui assume à la fois son ancrage dans la réalité et une bonne part de subjectivité de la part d’auteurs de la diaspora qui ne portent plus le même regard sur leur pays d’origine et d’auteurs haïtiens qui veulent aussi pour certains d’entre eux voir, à travers la superstition, au-delà de la réalité. Cet ancrage dans des racines si fortes et ce désir de donner à voir un pays trop ignoré fait tout le charme de cette anthologie qui, avec celle consacrée à Delhi apparait comme l’une des meilleures de la série.
Haïti Noir (Haiti Noir, 2011), Asphalte, 2012. Textes en anglais traduits par Patricia Barbe-Girault.